Economie,  Guerre

L’épargne des Français du Livret A pour financer l’armée ? Ce texte du Sénat qui fait polémique

Publié par Actu.fr le 7 mars 2024

Le Sénat a voté une proposition de loi visant à flécher une partie de l’épargne du livret A vers des entreprises de l’industrie de la défense, ce mardi 5 mars 2024. Explications.

« L’outil militaire et industriel doit être en mesure de faire face à toute menace sur la paix et la stabilité. Ce n’est pas vraiment le cas aujourd’hui », s’était alarmé, en préambule, le sénateur (Les Républicains) du Calvados, Pascal Allizard, auteur de la proposition de loi. Elle a été adoptée, largement, en première lecture au Sénat, à 244 voix contre 34, ce mardi 5 mars 2024.

Après plusieurs tentatives infructueuses au Parlement, le Sénat souhaite ainsi flécher une partie de l’épargne du Livret A vers l’industrie de la défense, touchée par des difficultés de financement renforcées par le contexte de la guerre en Ukraine.

L’idée que « l’épargne populaire » puisse « financer la guerre »

Les groupes LR, centriste, RDPI, Les Indépendants et RDSE ont voté pour. Le groupe PS s’est abstenu. Le groupe communiste ainsi que le groupe écologiste, eux, ont voté contre. Et ont parfois haussé le ton face à cette idée que « l’épargne populaire » puisse « financer la guerre ».

Dans le détail, le texte propose qu’une partie des encours du Livret A et du Livret de développement durable et solidaire (LDDS) serve au financement des entreprises de l’industrie de défense française.

Aujourd’hui, près de 60 % des fonds du Livret A et du LDSS sont dédiés au logement social, mais le reste – l’épargne non centralisée précisément visée par le texte – est consacrée aux PME, à la transition énergétique ou encore à l’économie sociale et solidaire.

La droite n’a pas éteint la polémique 

Un dispositif similaire avait déjà été adopté au Parlement ces derniers mois, mais le Conseil constitutionnel l’avait censuré par deux fois. La droite sénatoriale espère désormais le voir enfin aboutir dans ce texte dédié, même s’il faudra pour cela que l’Assemblée nationale s’en saisisse. 

En séance, cette semaine, le Sénat a apporté quelques modifications, notamment pour « préciser le dispositif pour que le nouveau fléchage vers les entreprises de la défense ne conduise pas à diminuer les parts des ressources collectées au titre du livret A et du LDDS aujourd’hui affectées au financement de la transition énergétique et de l’économie sociale et solidaire », précise le Sénat dans un communiqué. Mais la droite n’a pas éteint la polémique.

Dans un communiqué, le groupe des sénateurs communistes a dénoncé cette proposition de loi, qui vise à financer la défense, « au mépris d’une conception historique du rôle de l’épargne dans le financement de l’intérêt général ».

« Un projet politique du refus de l’impôt, notamment des plus riches »

« La droite décide de détourner l’épargne populaire pour financer l’industrie de guerre. C’est une marche supplémentaire dans l’escalade verbale qui rompt avec la position traditionnelle de la France, attachée à la diplomatie en premier recours », dénonce le groupe CRCE-K (communiste, républicain, citoyen et écologiste-Kanaky), le groupe communiste au Sénat.

« L’épargne populaire servait, avant 2009, uniquement aux missions d’intérêt général et singulièrement au financement du logement social et de la politique de la ville », rappellent les communistes.

Et contrairement à ce qu’affirme la droite, les sénateurs communistes soutiennent qu’« il n’y a nul besoin spécifique de l’industrie de défense de l’aveu même de la Banque de France, de la Direction générale du Trésor et… des banques elles-mêmes ! ».

« C’est un projet politique du refus de l’impôt, notamment des plus riches, seul vecteur légitime et démocratique pour financer la défense de notre territoire. L’effort de guerre, prôné par les auteurs de la proposition, se détourne de la solidarité nationale en spoliant les petits porteurs qui ignorent où disparaît leur épargne, faute de transparence du réseau bancaire », estiment les sénateurs communistes.

Le sénateur socialiste, Rachid Temal, a lui défendu l’idée d’un produit dédié -le « Livret d’épargne défense souveraineté »-, synonyme selon lui de plus de « clarté et transparence ». Mais le Sénat l’a rejeté. Le feuilleton du « Livret A(rmée) » semble loin d’être terminé. 

Source article : https://actu.fr/economie/l-epargne-des-francais-du-livret-a-pour-financer-l-armee-ce-texte-du-senat-qui-fait-polemique_60788628.html

Source image : https://www.lefigaro.fr/conjoncture/le-senat-s-accorde-pour-flecher-de-nouveau-les-fonds-du-livret-a-vers-l-industrie-de-la-defense-20240306