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Dicastère pour la foi, avis de démantèlement

Publié par le blog Benoit et moi le 6 juillet 2023 – Source originale en allemand : katholisches.info – Auteur : Giuseppe Nardi

Note du blog Benoit et moi : Tucho Fernandez a accordé une interview à une radio argentine, où il explique plus ou moins ce qu’il est censé faire à la tête du dicastère que le pape lui a « confié », et comment il voit son nouveau job. En réalité, le changement de nom (de Congrégation à Dicastèreacté par la constitution apostolique Praedicate Evangelium du 5 juin 2022) avait déjà sanctionné l’enterrement de la CDF à laquelle Joseph Ratzinger a donné pendant 24 ans tout son cœur, toute sa foi, et le lustre incomparable de son nom avec son prestige universitaire et théologique. Comme son maître, le nouveau « préfet » (dont on se demande quel type d’autorité il aura!) est rancunier, il règle des comptes avec ce qu’il persiste à appeler Inquisition parce que cette dernière avait dans le passé « enquêté sur lui ». Le compte-rendu de Giuseppe Nardi.


La Congrégation pour la doctrine de la foi « a même enquêté sur moi ».

L’ARCHEVÊQUE FERNÁNDEZ : « FRANÇOIS VEUT DONNER UNE AUTRE SIGNIFICATION À LA CONGRÉGATION POUR LA FOI »

Par Giuseppe Nardi – Publié par katholisches.info

Mgr Victor Manuel Fernández, le nouveau préfet de la foi de l’Eglise catholique, s’est adressé aux médias pour discréditer sa nouvelle fonction et ses prédécesseurs. Le dicastère de la foi était l’ancienne congrégation de la foi, le Saint-Office, c’est-à-dire l’Inquisition, une institution qui a enquêté sur toutes sortes de personnes, y compris sur lui-même, le nouveau préfet de la foi. Mais le pape François veut désormais la transformer en profondeur. Elle est déjà devenue le dicastère pour la doctrine de la foi l’année dernière et lui, Fernández, va maintenant achever la transformation. Le nouveau préfet de la foi a parlé de sa nouvelle mission aux médias argentins.

Tucho Fernández a expliqué sa nomination au poste de préfet de la foi par le fait que la nouvelle constitution apostolique Praedicate Evangelium, promulguée par François pour la réorganisation de la Curie romaine, « n’a pas suffi ». François aurait constaté que l’effet qu’il espérait n’avait pas été à la hauteur de ses espérances. C’est la raison pour laquelle il l’a rappelé à Rome, lui, Victor Manuel Fernández, son compatriote, confident et ami argentin, afin de poser de nouveaux jalons personnels et d’ouvrir un nouveau chapitre.

François a récemment « changé d’avis » et réorganisé une nouvelle fois les compétences de la Congrégation pour la doctrine de la foi, a dit Tucho Fernández à Radio Perfil.

Achever le démantèlement de la Congrégation pour la doctrine de la foi

Fernández a ainsi expliqué que François l’avait appelé à Rome pour achever le remaniement de la Congrégation pour la doctrine de la foi, car les efforts entrepris jusqu’à présent étaient insuffisants. Mais il ne s’est pas contenté de cette critique évidente de l’actuel préfet de la foi, le cardinal Luis Ladaria Ferrer SJ, il a lancé une pique encore plus forte contre l’autorité qu’il dirigera à l’avenir et contre ses éminents prédécesseurs, notamment Benoît XVI, qui a été préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi pendant plus de 20 ans avant d’être élu pape. Fernández a lancé cette pique en qualifiant l’autorité de la Curie d’Inquisition, bien conscient des connotations négatives liées aux légendes noires dans la mémoire collective.

Mais 481 ans après sa création, avec Fernández à sa tête, l’Inquisition, « qui a même enquêté sur moi », sera enfin liquidée. C’est ce que semble vouloir dire le confident du pape argentin.

Mais pourquoi Tucho Fernández a-t-il fait l’objet d’une enquête de la part de la Congrégation pour la doctrine de la foi ?

L’homme de confiance du pape s’est vu reprocher de ne pas partager l’enseignement de l’Eglise sur l’homosexualité. Cela n’est pas vraiment surprenant, car il y a même des doutes sur la position de Sainte Marthe sur cette question. Le pape François a déclaré en été 2013, dans sa phrase sans doute la plus célèbre et aussi la plus funeste sur l’homosexualité -« Qui suis-je pour juger ? » -, que l’enseignement de l’Église sur ce point était connu et clair. Sauf que François n’a jamais exprimé cet enseignement à haute voix et de manière publiquement perceptible durant son pontificat. Mais comment les gens pourraient-ils connaître cet enseignement s’il n’est pas enseigné, en tout cas pas par le pape, et ce à une époque où l’hérésie homosexuelle défie l’Eglise plus intensément que jamais ?

La nomination d’un homme comme préfet de la foi, sur lequel la Congrégation pour la doctrine de la foi avait elle-même enquêté, fait partie de ce genre d « humour » dont François est particulièrement friand. Mais au sein de l’Eglise, des cercles non négligeables ne trouvent plus cela drôle.

Fernández se livre à un règlement de comptes lorsqu’il parle de la Congrégation pour la doctrine de la foi comme d’une inquisition qui « persécutait » et utilisait également des « méthodes immorales ». Les coups de massue sont placés avec précision et servent à démanteler l’autorité par son nouveau plus haut responsable. Tucho Fernández laisse volontairement ouverte la question de savoir s’il parle d’un passé lointain ou très proche, celui qui a suivi le Concile Vatican II. Aucune autorité romaine n’est plus détestée par les milieux ecclésiastiques modernistes que la Congrégation pour la doctrine de la foi, et aucune ne devrait, selon eux, être dissoute et démantelée plus rapidement que celle-ci.

La nomination de Tucho Fernández, le « théologien du baiser », montre que c’est exactement ce que François a l’intention de faire. Après son élection, il a d’abord ignoré le préfet de la foi Gerhard Müller, hérité de Benoît XVI, puis la Congrégation pour la doctrine de la foi, dirigée par le préfet de la foi Ladaria, et maintenant voilà la liquidation de ce vénérable service de la Curie, qui avait été créé à la suite de la Réforme avec pour mission de veiller sur le Depositum fidei, afin qu’aucune hérésie ne s’y glisse.

Pour les connaisseurs, il ne fait aucun doute que Tucho Fernández n’est ni en mesure ni désireux de remplir cette missionSi François l’a néanmoins nommé, c’est précisément pour cette raison. La Congrégation pour la doctrine de la foi a reçu le 1er juillet 2022 le nouveau nom de Dicastère de la foi. Le changement de nom trouve son aboutissement avec la nomination du nouveau préfet de la foi: L’ancienne Congrégation pour la doctrine de la foi n’existe plus et ne devrait même plus exister selon François.

La Congrégation pour la doctrine de la foi « a même enquêté sur moi »

Fernández est allé jusqu’à se présenter lui-même aux médias argentins précités comme une « victime » de l’Inquisition :

« Vous pouvez donc vous imaginer que c’est une expérience douloureuse d’être nommé à cet endroit. Ce dicastère que je vais diriger, c’était le Saint-Office, l’Inquisition, qui a même enquêté sur moi. Les gens ici envoyaient des articles de moi qu’ils considéraient comme hérétiques, et je passais plusieurs mois à y répondre. Ils me posaient des questions et je leur répondais à nouveau, c’était vraiment très ennuyeux.

Ils ont même envoyé au dicastère un article de moi dans un petit journal peu connu de Rio Cuarto, parce qu’à l’époque il y avait des couples homosexuels (nous parlons d’il y a 30 ans) qui demandaient une bénédiction, et l’évêque avait dit que nous ne pouvions pas le faire et m’avait demandé de m’expliquer.

J’ai dit dans le journal que nous ne l’avions pas fait parce que nous comprenons le mariage comme une union d’un homme et d’une femme, ouverte à la procréation de la vie, de sorte que nous ne pouvons pas l’identifier. Mais cela ne signifie pas que nous jugeons les gens, que nous nous immisçons dans leur vie intime ou que nous condamnons qui que ce soit ».

Il a « passé des mois » à devoir se justifier auprès de la Congrégation pour la doctrine de la foi sur des articles « anciens ». Tucho Fernández a fait allusion dans son autodéfense à un article d’ « il y a 30 ans », mais il n’a pas dit ce qu’il en était aujourd’hui de sa position sur l’homosexualité.

Il a plutôt renforcé chez les auditeurs l’idée déformée d’une Congrégation pour la doctrine de la foi qui aurait été un sinistre appareil de répression dont la tâche principale consistait à « persécuter » arbitrairement des théologiens intègres :

« Il y a eu de grands théologiens à l’époque du Concile Vatican II qui ont été persécutés par cette institution. Et il y a le cas célèbre d’un grand théologien qui, une nuit, a uriné sur la porte du Saint-Office [là, on frôle carrément le scatologique], comme geste de mépris envers cette méthodologie de persécution ».

Le pape François « veut donner une autre signification à la Congrégation pour la doctrine de la foi »

Quand François lui a demandé une première fois s’il souhaitait prendre la tête de l’autorité romaine, lui, Fernández, a refusé. Mais une deuxième fois, cela n’aurait plus été possible :

« Plus tard, alors qu’il était à l’hôpital, il m’a de nouveau demandé et je n’ai pas pu dire non. Il m’a dit : ‘Je veux le remanier, y réfléchir’. Il a ajouté : ‘Ne t’inquiète pas, je t’enverrai une lettre dans laquelle j’expliquerai que je veux donner à ce dicastère un autre sens, celui de promouvoir la pensée et la réflexion théologique en dialogue avec le monde et la science, c’est-à-dire de créer des espaces de dialogue au lieu de persécutions et de condamnations’. Cela m’a donc rassuré ».

Même le cas de Galileo Galilei, considéré depuis longtemps sous un jour nouveau, a été invoqué par Fernández dans un sens anticlérical.

Il poursuit :

« Nous avons dit que la science, l’art et la politique sont les trois possibilités de changer le monde, et que la religion touche à ces trois domaines, je comprends donc cette responsabilité ».

« La réalité est que le pape a besoin de personnes en qui il a confiance, et je dois vivre au Vatican. Il s’est même efforcé lui-même de me trouver une petite maison, parce qu’il me connaissait et savait qu’elle avait certaines caractéristiques dans lesquelles je pouvais vivre. »

Concernant sa nouvelle mission, Fernández poursuit :

« C’est pareil pour toutes les formes d’autoritarisme qui tentent d’imposer un registre idéologique, des formes de populisme qui sont même autoritaires, et la pensée unique. Il est évident que l’histoire de l’Inquisition est honteuse parce qu’elle est dure et qu’elle est profondément contraire à l’Evangile et à la doctrine chrétienne elle-même. C’est pourquoi elle est si épouvantable.

Mais sous d’autres couleurs, peut-être sous une forme plus dissimulée et avec toutes sortes de prétextes, des choses similaires ont eu lieu et continuent d’avoir lieu en politique et dans différentes institutions.

Nous disons toujours que les événements du passé ne doivent pas être jugés avec les catégories d’aujourd’hui. Et qu’ils ont évolué au fil des siècles, ce qui ne nous permet peut-être pas de les justifier, mais de les comprendre en partie.

Mais les phénomènes actuels doivent être jugés avec les critères d’aujourd’hui, et aujourd’hui, il existe encore partout des formes d’autoritarisme et l’imposition d’une pensée unique. Peut-être qu’au lieu de nous attarder à critiquer le passé, nous devrions parfois nous intéresser davantage à ce qui devrait déjà avoir changé dans le monde d’aujourd’hui ».

Dans l’émission, Tucho Fernández a traité la Congrégation pour la doctrine de la foi comme un modèle dépassé, quelque chose d’obsolète. Il se voit comme son exécuteur testamentaire, qui doit procéder à la liquidation.

Il n’a même pas effleuré la mission que cette institution assume depuis 481 ans, à savoir la préservation et la défense de la foi.

« François est un pape pleinement post-conciliaire »

Fernández aura 61 ans dans deux semaines, le 18 juillet. Il peut donc rester longtemps en fonction. Surtout, si l’on en croit les augures du Vatican, il sera bientôt créé cardinal [ne vendons pas la peau de l’ours: n’oublions pas le caractère retors et changeant de François… et son précaire état de santé, ndt] et exercera en tant que tel une influence en tant qu’électeur du pape jusqu’en 2042.

A propos du Concile Vatican II, « Tucho » a déclaré :

« Oui, bien sûr, le Concile a été une explosion, et pour ceux qui ont étudié à l’époque, il a certainement été un signe de vie. En ce sens, ce que vous dites est juste, c’est que c’est le premier pape qui peut être considéré comme purement post-conciliaire ».

Fernández a ainsi fait une profession de foi en faveur de François, en l’identifiant à la période post-conciliaire. Il ne s’agit pas d’une simple indication de temps, mais d’une identification avec une tendance entière de l’Église.

Source : https://www.benoit-et-moi.fr/2020/2023/07/05/dicastere-pour-la-foi-avis-de-demantelement/