Dissolution : un beau coup !
Auteur : Marcel Monin pour France-Soir – Publié le 10 juin 2024
TRIBUNE – Les éditorialistes dissertent sur la dissolution et ses conséquences en privilégiant le jeu des partis et des leaders de ces derniers. Et en imaginant leurs conséquences sur la vie politique de demain.
Nous prendrons la question en partant d’E. Macron. On se gardera bien de s’interroger sur ce qu’il y a dans le cerveau d’E. Macron. Ce qui relève probablement de spécialistes des sciences humaines, psychologiques, médicales, sociologiques. Mais quand on prend une décision (ici la dissolution de l’Assemblée nationale), on évalue nécessairement les conséquences sur soi de cette dernière. D’où notre démarche.
Si l’on s’en tient aux conditions de l’ascension politique de E. Macron, les faits enseignent qu’il a été choisi (et aidé notamment par leurs médias) par des membres de cercles économiques et financiers et de réseaux favorables aux intérêts américains. Lesquels ont nécessairement pensé qu’une fois devenu président de la République avec leur soutien actif, – que ce dernier a su provoquer (par la force des choses d’ailleurs) (1) – , E. Macron leur apporterait des satisfactions. Sans quoi ils ne l’auraient évidemment pas fait.
Et voilà, si l’on s’en tient aux faits, perceptibles par chacun, dont par E. Macron en premier lieu, que le résultat des élections pour les « élections européennes » constitue une sorte de condamnation de l’individu et de la politique menée par lui. Donc un signe de faiblesse personnelle. Que la démission du gouvernement aurait été incapable d’endosser et d’effacer.
Tout être humain pense nécessairement (et légitimement) à lui et à son avenir. Et, pour E. Macron, passés les trois ans « qui lui restent à faire », en continuant à être contesté à l’intérieur, et à être parfois moqué à l’extérieur, ne peut logiquement pas alimenter le cas échéant un bon acte de candidature à un bon job à la sortie de l’Elysée.
Evidemment, E. Macron, prenant acte du désaveu matérialisé par les résultats du 9 juin, aurait pu démissionner. En estimant qu’il ne pouvait plus représenter légitimement le peuple français. Mais, comme il vient d’être dit, et si les faits ont une signification, ce n’est pas la question.
D’où la dissolution.
Qui lui permettra de donner un coup de fouet à la préparation de sa reconversion. Pour autant qu’E.Macron n’oublie pas la méthode de l’oral et de l’écrit, qui vise à séduire l’interlocuteur quoique ce dernier pense (jury d’examen ou de concours, futur employeur, citoyens … ) (2)
a) Si les siens ont une majorité, E. Macron pourra assurer sa convalescence avec un peu d’arrogance, et faire oublier la mauvaise période. Et, en plus, retrouver une sorte de légitimité. Celle que l’on attribue, non à ce qu’on fait, mais à ce qu’on est arrivé à devenir (ou re-devenir) après avoir satisfait au système de recrutement (nomination ou élection) .
b) Si les partis, qui rêvent chacun d’avoir plus de sièges pour leurs cadres permanents, ont du mal à constituer une majorité en raison de leurs nombres respectifs (comme sous la III° et la IV° Républiques) E.Macron pourra jouer les hommes de la situation en favorisant les alliances. Lesquelles, comme chacun sait, dépendent parfois plus de l’espoir de gagner un poste de ministre, que du souci d’offrir aux Français un meilleur cadre de vie. (3)
c) Si, maintenant un parti – autre que « macroniste » – obtient la majorité des sièges, on sera dans une situation – connue – de « cohabitation ».
Dans les trois cas de figure, la politique qui sera menée sera la même. Puisqu’en matière financière, économique, de commerce, d’immigration, sociale, de rapport avec les USA, … les textes internationaux auxquels la France est actuellement partie ont prévu un système de prise de décisions qui échappe au président, au gouvernement, et au peuple français. Et à y regarder de près, puisque l’ensemble des partis politiques (sauf certains de ceux qui ne seront pas représentés au Parlement européen) sont d’accord pour la continuation de la mise en œuvre de la mécanique.
Étant entendu que les divergences que certains politiciens pourraient avoir sur certaines questions, notamment pour attirer les votes des électeurs, seront vite réglées une fois qu’ils auront les postes qu’ils convoitent. Puisque la « supériorité » des normes ainsi fabriquées sur les normes nationales est organisée et sanctionnée.
Vraiment, … la dissolution est un beau coup !
Marcel-M. MONIN
Maitre de conférence honoraire des universités
- v. entre autres les ouvrages de Marc Endeweld
- Se rappeler le propos d’ E. Macron de reconnaître un jour l’Etat de Palestine … quand les parties seront d’accord. Comme le gouvernement d’Israël ne veut pas de deux Etats sur le sol de la Palestine, des interlocuteurs qui sont d’opinions opposées ont pu entendre quelque chose qui recueille leur assentiment. (E. Macron maîtrise à merveille la technique).
- Les spécialistes observeront avec quelle rapidité la dissolution a redonné force et vigueur au « régime des partis » : les leaders annoncent qu’ils ne s’entendront pas, tel se voit Premier Ministre, etc … Et ce dans les heures voire les minutes suivant l’annonce de la dissolution
Source : https://www.francesoir.fr/opinions-tribunes/dissolution-un-beau-coup