Conscription,  Guerre,  Troisième guerre mondiale

Qui est mobilisable en France en cas de guerre ?

Publié par Slate le 26 septembre 2022

Avoir une armée de métier ne suffira pas si c’est vraiment la Bérézina.

La déclaration de Vladimir Poutine, le 21 septembre dernier [2022], a jeté un froid en Russie. Mis en difficulté par les contre-offensives ukrainiennes, le président russe s’est résolu à décréter la mobilisation «partielle». L’objectif: trouver 300.000 hommes à envoyer en Ukraine, où l’armée russe a perdu entre 20.000 et 30.000 soldats sur le front depuis le début de l’invasion, selon les analystes militaires.

Si pour l’heure cette mobilisation concerne uniquement les citoyens russes «en réserve»«ceux qui ont déjà servi et ceux qui ont une expérience pertinente», l’annonce a tout de même glacé la population. Au point qu’après l’allocution de l’autocrate, de nombreux vols au départ de Moscou ont vu leurs prix grimper en flèche et les recherches en ligne «comment se casser un bras» ont explosé en Russie. Tout est bon pour éviter d’avoir à combattre.

Depuis la France, cette mobilisation interroge. Que se passerait-il, ici, dans l’Hexagone, face à une situation similaire? En cas de guerre, qui partirait au front en premier ? Et si les choses venaient à se corser, qui pourrait être mobilisé en renfort ?

L’armée, prête à en découdre

Imaginez un instant. L’Europe est à feu et à sang. La guerre est partout, et la France part au front pour défendre son pays et ses alliés. Qui part en premier? Les forces opérationnelles immédiatement mobilisables, c’est-à-dire 77.000 femmes et hommes de l’armée de terre, 34.000 de la marine et 40.000 de l’armée de l’air et de l’espace. Des troupes professionnelles, armées jusqu’aux dents.

D’un point de vue matériel, la France peut compter sur 222 chars Leclerc, quelque 6.200 blindés à roues et environ 3.800 autres véhicules de combat. S’ajoutent à cela 211 avions de combat (plus des avions de transport et de ravitaillement), quarante-cinq avions de chasse et une cinquantaine d’avions de surveillance, sans oublier les neuf sous-marins et un porte-avions. Bref, les armées française sont prêtes à en découdre.

Imaginons que la situation tourne au vinaigre. L’armée est dépassée, la stratégie militaire en échec, et une sacrée Bérézina se profile –rappelant les démons de 1812. L’heure est grave et il faut à tout prix plus d’hommes et de femmes pour combattre. Mais qui?

Aujourd’hui, et depuis 1997 –sous la présidence de Jacques Chirac–, le service national obligatoire est suspendu. L’armée française est devenue une armée de métier, et un simple citoyen ne peut pas être envoyé la fleur au fusil en première ligne à son service. Depuis cette date, les capacités de mobilisation du pays ont été complètement chamboulées. Des leviers de renforts existent pourtant, à commencer par les ex-militaires et les réservistes.

Aux armes, citoyens ?

Si c’est vraiment la mouise (la vraie), un dispositif de réserve de sécurité nationale, civil et militaire permet de mobiliser des renforts d’appoint. Une situation qui intervient en cas «d’une crise majeure dont l’ampleur met en péril la continuité de l’action de l’État; la sécurité de la population ou la capacité de survie de la Nation». Rassurez-vous, celles et ceux qui ne sont pas réservistes n’iront toujours pas au charbon. Du moins, pour l’instant.

Qui, aujourd’hui dans la population française, sait tenir une arme ou même faire un garrot efficace?

La réserve militaire est actuellement constituée de deux composantes: la réserve citoyenne défense et sécurité –des volontaires agréés auprès d’autorités militaires en raison de leurs compétences et de leur expérience– et la réserve opérationnelle. Cette dernière est constituée de réservistes avec ou sans expérience militaire, qui se sont engagés sur la base du volontariat à renforcer les armées, vingt-cinq jours par an en moyenne. Un peu comme des soldats d’appoint, ils viennent soulager les armées quand l’agenda déborde de toute part. Si on les appelle, ils sont dans l’obligation de rejoindre leur affectation.

Ces réservistes, qui ont entre 17 et 35 ans, ont donc fait le choix de consacrer une partie de leur temps au service de la France sans faire de l’armée leur seule profession. Ils sont rémunérés et leur contrat dure de un à cinq ans renouvelables. Au total, il y aurait près de 140.000 personnes théoriquement mobilisables, dont environ 40.000 volontaires de la réserve opérationnelle. Un beau paquet de monde tout de même.

Imaginons enfin que les renforts soient là, mais la situation toujours incertaine. Les lignes de fronts sont trouées de part en part. C’est la débandade! Dans un tel scénario, la mobilisation générale est-elle réellement envisageable, à l’instar de ce que fait l’Ukraine depuis le début de la guerre? Difficile de l’imaginer: aujourd’hui, l’organisation de l’armée française et la suspension de la conscription ne permettent pas la perspective d’une large mobilisation de la société civile.

Évidemment, le scénario est toujours envisageable. D’autant que le service national –qui a simplement été suspendu– peut tout à fait être rétabli si la situation l’exigeait. L’âge des appelés serait alors à définir, étant donné qu’au cours de l’histoire il a constamment varié. Mais qui, aujourd’hui dans la population française, sait tenir une arme ou même faire un garrot efficace? Il faudrait donc former dans un temps record des pans entiers de jeunes et moins jeunes à la guerre, ce qui provoquerait un fort temps de latence avant un déploiement sur le front. Bref, on serait sûrement loin des 4,5 millions de Français appelés sous les drapeaux en 1939. Mobilisation dont on connaît malheureusement le résultat.

Source : https://www.slate.fr/societe/lexplication/78-mobilisation-france-guerre-armee-reservistes-soldats