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Tucho Fernandez : chronique d’une ascension inarrêtable. Mais jusqu’où ?

Publié par le blog Benoit et moi le 4 juillet 2023 – Source originale en allemand : katholisches.info – Auteur : Giuseppe Nardi

Note du Blog Benoit et moi : Giuseppe Nardi relate minutieusement l’incroyable montée d’un individu médiocre, intrigant, courtisan, carriériste (un défaut prétendu rhédibitoire par son maître) au dernier degré. Jusqu’où, en fait? Je n’y crois pas, parce que les cardinaux électeurs ne sont pas fous au point de se suicider, mais l’étape suivante serait la pourpre cardinalice (si François vit suffisamment longtemps) suivie de … l’élection d’un François II. Mais ne cauchemardons pas.


Le nouveau préfet de la foi est-il « hérétique » ?

Giuseppe Nardi – Source : katholisches.info – Le 4 juillet 2023

Victor Manuel « Tucho » Fernández a été nommé préfet de la foi de l’Eglise catholique par le pape François, six ans après la première tentative.
Un aperçu par Giuseppe Nardi

La nomination de l’archevêque Victor Manuel Fernández, dit Tucho, comme nouveau préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, désormais appelée dicastère de la foi, fait des vagues en interne à Rome. Le mécontentement suscité par la dernière décision du pape en matière de personnel a fait l’effet d’une bombe dans l’Eglise. L’expression est à prendre au pied de la lettre, car tout comme les bombes laissent derrière elles un désert de destruction, c’est ainsi que l’on voit le changement d’orientation. Tucho Fernández lui-même se dit « surpris », mais en réalité, il avait déjà été cité en 2017 comme possible successeur du cardinal Gerhard Müller, alors mis à la porte par François de manière peu élégante.

François a choisi le premier jour des vacances au Vatican pour laisser éclater la surprise. Une surprise moins pour son plus ancien « pupillo », comme on appelle un protégé à Rome, que pour la partie de l’Eglise, à Rome comme dans le monde, qui n’a pas encore été transformée à la bergoglienne. Même pour certains secteurs du camp bergoglien, cette nomination a été un coup dur. Le nom de Fernández était certes très en vue depuis des années, mais il y avait une forte opposition à son égard, y compris parmi les bergogliens. Les motifs sont de nature très différente.

Parmi les catholiques fidèles à la foi, qu’il s’agisse de prélats, de membres du bas clergé ou de laïcs, c’est l’horreur totale. Depuis 2013, Tucho Fernández traîne une réputation de protobergolien. En d’autres termes, il est considéré comme le mauvais exemple par excellence à chaque décision personnelle importante du pape régnant.

Lors de l’arrivée du nouveau chef de l’Eglise, la question de Fernández s’est retrouvée en tête de l’agenda pontifical et était liée à ce qui allait devenir une « marque de fabrique » du pontificat actuel, à savoir une épuration.

Tucho Fernández faisait déjà partie à Buenos Aires du cercle le plus proche du cardinal Bergoglio. Plus encore, il était le bras droit et le plus proche collaborateur de ce dernier. Fernández est devenu le principal conseiller et surtout le rédacteur des discours du primat d’Argentine. François a emmené son ghostwriter à Rome en 2013. Il s’agissait d’un déménagement avec une histoire préalable.

François voulait nommer son protégé recteur de l’université catholique pontificale d’Argentine. En raison de la faiblesse et du déficit des prestations théologiques de « Tucho », en particulier de ses publications parfois considérées comme « bizarres », la Congrégation romaine pour l’éducation, compétente en la matière, l’a jugé inapte à occuper un poste de direction aussi important, puisqu’il s’agissait de l’établissement d’enseignement catholique le plus élevé d’Argentine, ayant une influence sur les pays hispanophones.

Ce refus a rendu le cardinal Jorge Mario Bergoglio fou de rage. Autant il ne laisse pas tomber ses amis, même lorsqu’ils tombent bas, autant ses représailles contre ceux qui se mettent en travers de son chemin sont implacables et vindicatives. Le cardinal Bergoglio a insisté avec une telle force et a fait un tel lobbying via ses bras romains que Rome a fini par céder. L’opération a duré plus de deux ans, mais Tucho Fernández a finalement obtenu la confirmation du poste de recteur. Bergoglio avait réussi à s’imposer. Mais cela n’a pas suffi.

A peine Bergoglio avait-il été élu pape François qu’il élevait Fernández au rang d’archevêque titulaire. Cet acte s’inscrit dans une longue série d’actions démonstratives. Françoisfaisait savoir au monde entier, en tout cas à l’Eglise, tout le bien qu’il pensait de cet homme que Rome, sous le pape Benoît XVI, considérait non seulement comme une trop petite lumière dans le ciel des théologiens, mais aussi comme n’étant pas apte à exercer des fonctions supérieures. La nomination comme archevêque titulaire n’était liée à aucune nouvelle fonction. Il s’agissait d’une simple distinction, comme le fait de revêtir une médaille selon la devise : ‘Regardez qui compte désormais’.

François voulait par là envoyer un signal de plus, ce qui permettait d’anticiper ce qui allait arriver à l’Eglise sous son pontificat. Il démontrait ainsi sa victoire sur la Rome de ce « long pontificat », de cette « phase de restauration » comme les deux pontificats de Jean-Paul II et de Benoît XVI, méprisés dans les milieux progressistes.

Peu après, François a mis à la porte les fonctionnaires de la Curie qui, au sein de la Congrégation pour l’éducation, s’étaient opposés – à juste titre – à la nomination de Tucho Fernández. C’était encore, à l’intérieur de la Curie, le signal le plus clair. Il a fait comprendre à tous ceux qui voulaient le voir – et à la Curie, on était alors particulièrement attentif à l’orientation que prendrait le nouveau pape – que François n’entendait pas seulement imposer sa volonté, mais qu’il exercerait des représailles contre ceux qui s’opposeraient à lui. Depuis lors, on sait comment rester à la Curie. Les conséquences n’ont pas manqué et n’ont pas été à l’avantage de l’Eglise.

Après le déménagement de Bergoglio à Rome, Tucho Fernández a continué à écrire ses discours.

Le document final de l’assemblée plénière de la Conférence des évêques d’Amérique latine (CELAM) en 2007 à Aparecida, dont le cardinal Bergoglio était responsable, est révélateur de cette coopération. En tant que pape, François y a fait allusion à plusieurs reprises et s’est même enthousiasmé à ce sujet. Lorsque le mot Aparecida est évoqué, François laisse entendre qu’il considère ce document comme sa réalisation programmatique la plus importante. Il est donc important de savoir que le document d’Aparecida a été écrit par Fernández, naturellement selon les souhaits et les directives de Bergoglio. La collaboration fonctionne également sur la même base à Rome.

Il y a sept ans, un incident s’est produit, qui s’avère aujourd’hui être un événement clé de l’histoire récente de l’Eglise, sur lequel on reviendra probablement souvent à l’avenir. Alors que les positions sur l’exhortation post-synodale Amoris laetitia s’affrontaient, le cardinal Müller, alors préfet de la foi, avait rendu un verdict cinglant en qualifiant le principal conseiller du pape, Tucho Fernández, d’ « hérétique ».

Un an plus tard, Müller, qui se positionnait de plus en plus comme un contre-pouvoir en raison des caprices erratiques du pape et commençait à le dire, n’était plus préfet de la foi.

Lorsque François a renvoyé Müller du jour au lendemain en 2017, après l’expiration de son mandat de cinq ans pour lequel Müller avait été nommé à Rome par le pape Benoît XVI, la rumeur s’est immédiatement répandue que François allait désormais placer son ghostwriter argentin à la tête de la Congrégation pour la doctrine de la foi, si mal aimée dans les milieux progressistes, y compris à l’évêché de Buenos Aires.

Cela n’a pas eu lieu, car il y avait de fortes réserves quant à un affront aussi radical. François, toujours tacticien, a finalement reculé. Couronner le licenciement de Müller, qui était si proche de Benoît XVI, par la nomination de Tucho Fernández, lui semblait trop audacieux. Après tout, Benoît XVI était encore en vie, et tant que c’était le cas, François était animé d’une peur presque paranoïaque que le pape allemand prenne la tête d’un contre-mouvement ou du moins qu’il en soutienne un. Dans le langage de Santa Marta, un tel scénario était alors qualifié d’ « abus ». Pour éviter de critiquer directement Benoît, on disait que l’ancien pape pourrait être « abusé » par des forces « irresponsables » et « restauratrices ».

Au printemps 2021, les premiers signaux de détente sont toutefois venus de l’entourage de la cour pontificale, c’est-à-dire que François était parvenu à la conclusion que la déchéance de Benoît XVI était si avancée qu’il ne fallait plus s’attendre à une résistance de sa part. Le cauchemar qui pesait sur le pontificat bergoglien commençait à s’estomper. C’est ainsi qu’en juillet 2021, François a porté un coup au cœur du pontificat précédent en abrogeant les motu proprio Ecclesia Dei de Jean-Paul II de 1988 et Summorum Pontificum de Benoît XVI de 2007 et en les remplaçant par Traditionis custodes, qui prend depuis lors le rite traditionnel et la tradition à la gorge.

Depuis la mort de Benoît XVI à la fin de l’année 2022, le pontificat actuel est « dégagé » et « sans ombre »

Le préfet de la foi Luis Ladaria Ferrer, alors déjà secrétaire de la Congrégation pour la doctrine de la foi, a accédé à la fonction de préfet en 2017. François l’a élevé au rang de cardinal et s’est contenté de cette « petite » rotation « interne » pour régler la succession de Müller. Cela lui suffisait parce que le préfet de la foi Ladaria est jésuite comme François, le pape pouvait donc attendre de lui une obéissance inconditionnelle – et n’a pas été déçu en cela. Le cardinal Ladaria a certes tenté de s’opposer là où cela lui semblait absolument nécessaire, comme par exemple contre l’avancée allemande autoritaire pour les bénédictions d’homosexuels, mais il s’est tu lorsque François l’a laissé en plan. La résistance de Ladaria, si elle existait vraiment, s’est ainsi largement évaporée dans le néant.

Tucho Fernández est un soldat bergoglien – certains préfèrent parler de laquais – en tout cas, il n’est pas n’importe qui, mais celui qui est le plus proche de François. C’est lui qui a non seulement défendu les « ouvertures » de l’exhortation post-synodale controversée Amoris laetitia, mais qui a vendu la mèche, ce qui aurait été impensable sans l’accord d’en haut et une connaissance précise des intentions du pape – et après tout, « Tucho » était aussi le ghostwriter d’Amoris laetitia. Il a soutenu les tournures éco-féministes amazoniennes et a anticipé le coup porté à la tradition, que François avait planifié depuis longtemps.

Mais avant cela, Tucho Fernández a été à nouveau au centre d’une décision personnelle comme celle qui plaisait à François : des décisions qui ont une forte charge symbolique. En 2018, dès que le droit canonique l’a permis, François a émis un avis de retraite à son ancien adversaire dans l’épiscopat argentin, Mgr Hector Ruben Aguer, archevêque de La Plata. Mgr Aguer et Jorge Mario Bergoglio avaient tous deux été évêques auxiliaires du cardinal Antonio Quarrencino, l’ancien archevêque de Buenos Aires. Aujourd’hui encore, certains se demandent pourquoi Quarrencino a choisi Bergoglio comme successeur et a demandé à Rome de le nommer coadjuteur, et non Aguer. La réponse n’est cependant pas si compliquée, comme l’ont confirmé des sources argentines : Quarrencino était tout simplement plus proche de la position plus progressiste de Bergoglio que de celle plus conservatrice d’Aguer. C’est ainsi que Bergoglio a commencé l’ascension qui l’a mené au conclave de Rome en 2013, tandis qu’Aguer est devenu « seulement » archevêque du deuxième siège épiscopal le plus important d’Argentine.

En 2018, François ne s’est toutefois pas contenté d’accorder à Aguer la prolongation supra-ecclésiastique accordée aux métropolites, au moins jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge de 77 ans. De même qu’il avait fait comprendre en 2013, en élevant Tucho Fernández au rang d’archevêque titulaire, à quel point il l’estimait, il a fait comprendre en 2018 au monde entier le peu de considération qu’il avait pour Aguer.

Le départ à la retraite de ce dernier s’est déroulé de manière bien plus dramatique qu’il n’y paraît. Le nombre de moqueries, d’hostilités et d’humiliations que Mgr Aguer a dû subir à cette occasion n’a pas encore été écrit.

Mais ce n’est pas tout : Pour succéder à Agüer, François a justement nommé Tucho Fernández, réalisant ainsi le double affront devant lequel il avait encore reculé l’année précédente lors du renvoi du cardinal Müller.

En tant qu’archevêque de La Plata, certains à Rome espéraient pouvoir « s’occuper » du ghostwriter papal et se débarrasser de lui. Quelques mois seulement après son entrée en fonction, Tucho Fernández a anticipé, en tant qu’archevêque de La Plata, le pas qui allait bientôt suivre pour l’ensemble de l’Eglise universelle. En 2019, il a suppriméle motu proprio Summorum Pontificum pour son diocèse. Il n’a pas vraiment donné de raison pour cela. En résumé, la démarche peut se résumer à la phrase suivante : « Les catholiques n’ont pas besoin du rite traditionnel et l’Eglise n’a pas besoin de catholiques attachés à la tradition ».

Pour être complet, voici la réaction de l’archevêque Aguer au motu proprio du pape : « Traditionis custodes est un recul déplorable ».

Il était clair que Tucho Fernández n’aurait pas entrepris une intervention aussi radicale sans la connaissance et l’accord de François. Les observateurs voyaient plutôt derrière ces mesures François lui-même, qui avait lancé un ballon d’essai dans le diocèse argentin – et ils devaient avoir raison.

Parmi les « acquis » de l’actuel pontificat figure une interminable série de signaux homophiles. En 2020, Fernández a fait savoir depuis l’Argentine que François avait « toujours » pensé ainsi sur la question homosexuelle.

Il était ainsi clair que Tucho Fernández, bien que séjournant principalement en Argentine depuis 2018, n’était en aucun cas retourné aux « périphéries » d’où étaient venus Bergoglio et son entourage de la première heure.

Au printemps 2023, il était considéré comme le candidat le plus prometteur à la succession du cardinal Mario Poli comme archevêque de Buenos Aires. Le chemin menant à la pourpre cardinalice serait donc vraisemblablement barré pour quelques années. Lorsque le 26 mai dernier, il a été annoncé que François n’avait pas nommé ce dernier, mais Jorge Ignacio García Cuerva comme nouvel archevêque de Buenos Aires, des voix ont murmuré que Tucho Fernández avait été choisi pour une mission romaine, comme cela avait déjà été dit à l’origine. Le bref intermède en Argentine, avec l’écrasement de la tradition dans son diocèse, a servi à établir un curriculum vitae formellement sans faille. Il manquait à « Tucho » l’expérience de direction pastorale, la fameuse « odeur des moutons », ou en tout cas ce qui est considéré comme tel à Santa Marta. Cette lacune a été comblée et l’ascension s’est poursuivie, jusqu’au sommet de la Congrégation pour la doctrine de la foi.

Dans l’imaginaire bergoglien, il n’y a plus de véritable ascension pour le protégé du pape – outre la dignité de cardinal et les positions honorifiques désormais tangibles – que … le ministère pétrinien. Bergoglio lo vult,

Après cinq ans à la tête de l’archidiocèse argentin du Rio de la Plata, Tucho Fernández revient à Rome plus triomphant que jamais. Ce qui rapproche également d’un prochain consistoire, dont on parle déjà depuis quelques semaines à Rome. Le nouveau préfet du dicastère de la foi prendra ses fonctions en septembre prochain. François le décorera bientôt de la pourpre cardinalice [pas si vite!! avec François, rien n’est certain], ce qui le fera entrer dans le cercle des électeurs du pape.

Tucho Fernández reste donc l’exemple négatif des décisions personnelles que François impose à l’Eglise. C’est ainsi que le pontificat a commencé, c’est ainsi qu’il reste aujourd’hui, dans sa onzième année. François, le sociologue – plutôt le politicien – sur le siège de Pierre sera désormais flanqué du théologien « sans qualités » dans la fonction de préfet de la foi de la sainte mère Eglise.

Une catastrophe non seulement inscrite dans les actes du gouvernement, mais personnifiée.

Source en français : https://www.benoit-et-moi.fr/2020/2023/07/04/tucho-fernandez-chronique-dune-ascension-jusquou/

Source originale en allemand : https://katholisches.info/2023/07/04/ist-der-neue-glaubenspraefekt-haeretisch/