Foi,  Papes

Habemus papam ! Léon XIV, ou la rupture avec la confusion

Publié par Reinformation.tv le 13 mai 2025 – Auteur : Jeanne Smits

La première apparition du pape Léon XIV au balcon de Saint-Pierre, après la proclamation de l’Habemus papam, nous a d’abord convaincu d’une chose, presque surprenante : nous avons un pape ! Le cardinal Robert Prevost s’est coulé dans la fonction – une fonction restaurée – avec une gravité empreinte de bienveillance, habillé comme un pape, parlant comme un pape, et ouvrant son discours par ces mots qui renvoient immédiatement au Christ : « La paix soit avec vous. » Notre Seigneur n’a-t-il pas envoyé ses disciples en mission en leur enjoignant de dire, dans quelque maison qu’ils visitent : « La paix soit sur cette maison » ? Et ce sont les premiers mots que Jésus a prononcés – comme l’a aussitôt rappelé Léon XIV – lui, le Bon Pasteur après sa résurrection.

Léon XIV a aussi rappelé que « l’humanité a besoin de Lui comme le pont qui lui permet d’être atteinte par Dieu et par son amour ». Lui, le Christ, le Dieu fait homme, est en effet en tant qu’homme « l’unique médiateur » entre Dieu et l’humanité. Il n’y en a pas d’autre. Il n’y a pas d’autre religion qui puisse ainsi relier l’homme à Dieu.

Léon XIV marque de nombreuses ruptures avec le pontificat précédent

Du cardinal Robert Prevost on a dit beaucoup de choses. Il était classé plutôt parmi les bergogliens, apprécié des progressistes, présenté comme préoccupé par le réchauffement climatique ou le sort des migrants. Sur ce dernier point, on peut noter en effet qu’en tant que missionnaire au Pérou envoyé par son ordre des Augustins, puis évêque de Chiclayo dans le même pays, il y a été confronté très directement. Entre 2016 et 2023, le Pérou a connu l’afflux de plus d’un million et demi de réfugiés depuis le Venezuela. Des réfugiés de culture chrétienne et catholique, des gens acculés au départ par la misère chaviste, ce communisme à la mode sud-américaine. Robert Prevost a surtout œuvré à ce qu’ils puissent vivre du fruit de leur travail, et non des subventions publiques, et c’est aussi un point important.

Est-il le pape de la « synodalité » ? Le mot a fait surface pendant sa première allocution. Mais n’oublions pas que ce mot offre l’avantage de n’avoir jamais été vraiment défini, même pendant les deux synodes qui l’ont promu. Le tout nouveau pape l’a situé dans un registre précis (après avoir déclaré à la suite de saint Augustin : « Avec vous je suis chrétien, pour vous je suis évêque ») : « Nous pouvons marcher tous ensemble vers la patrie que Dieu nous a préparée. » Cette idée de chemin vers l’éternité, véritable but de l’existence, commence déjà à être un leitmotiv des interventions du nouveau souverain pontife.

Comme ses prédécesseurs – y compris, contrairement à une fausse information qui circule, Jean-Paul II, Benoît XVI et François – Léon XIV a donné en latin la bénédiction Urbi et Orbi assortie de l’indulgence plénière. Il la prononça avec assurance et recueillement, avec une solennité qu’on avait oubliée depuis Benoît XVI, et surtout en inclinant la tête en prononçant le saint Nom de Jésus. C’est un signe qui s’ajoute à d’autres signes : la vêture, la promptitude à bénir, le retour dans les appartements pontificaux… Le matériel renvoie ici et souligne de diverses manières la tournure spirituelle que le nouveau pape a déjà donnée au pontificat.

Léon XIV, un pape qui apparaît comme pape

Cette tournure, il l’a aussi donnée en paroles, apparaissant comme un homme de Dieu, un homme de foi. Le pape François aimait à parler du Dieu des surprises, celle de son successeur, élu par un conclave à 80 % composé de cardinaux qu’il avait lui-même créés et qu’on supposait à son image, n’est pas des moindres. Le casse-tête était de taille. Le cardinal Parolin partait favori, mais sans pouvoir compter sur quelque soutien des plus « conservateurs », et moins souhaité par la « gauche » qu’un Tagle. On ne pouvait guère rêver l’élection d’un Sarah ou d’un Burke. Mais il se chuchote sérieusement à Rome que ce dernier est considéré depuis le 8 mai comme étant au nombre des « faiseurs de Pape » – avec en l’occurrence le cardinal de New York Timothy Dolan. Le fait est que dans la modération de son apparence et de sa prise de parole, le cardinal Prevost – jadis élu à la tête de son ordre des Pères Augustins en 20 minutes, du jamais vu – semble capable de confirmer l’adhésion qui lui a été donnée, et de rétablir l’ordre après les années de confusion et d’arbitraire qui ont marqué le pontificat du pape François. La confusion introduite dans le « magistère ordinaire » surtout : la langue de Léon XIV est précise, directe ; il est vrai qu’il a une réputation de bonne doctrine.

Et cela est plus important aujourd’hui que ses éventuels penchants politiques. Ils sont secondaires, vue la focalisation « Christo-centrée » des prises de parole de Léon XIV à ce jour, car le monde a d’abord besoin du Christ et de son royaume. Tout le reste sera donné par surcroît.

L’homélie donnée par le nouveau pape lors de sa première messe célébrée en la chapelle Sixtine le vendredi matin, 9 mai, a sonné à cet égard comme une rupture totalement inattendue vis-à-vis du discours naturaliste largement installé dans l’Eglise, qui regarde le monde avec tout l’optimisme de Vatican II et ne perçoit plus guère le caractère totalement indispensable du sacrifice rédempteur de Notre Seigneur pour refaire le lien entre l’homme et Dieu. L’homme des francs-maçons fait son propre salut ; l’homme abîmé par la faute originelle a besoin de la grâce.

Léon XIV ne sème pas la confusion du naturalisme

Voici ce qu’en a dit Léon XIV lors de cette première homélie :

« Jésus est le Christ, le Fils du Dieu vivant, c’est-à-dire l’unique Sauveur et le révélateur du visage du Père.

« En Lui, Dieu, pour se faire proche et accessible aux hommes, s’est révélé à nous dans les yeux confiants d’un enfant, dans l’esprit éveillé d’un adolescent, dans les traits mûrs d’un homme (cf. Conc. Vat. II, Const. Past. Gaudium et spes, n. 22), jusqu’à apparaître aux siens, après sa résurrection, dans son corps glorieux. Il nous a ainsi montré un modèle d’humanité sainte que nous pouvons tous imiter, avec la promesse d’une destinée éternelle qui dépasse toutes nos limites et toutes nos capacités. »

D’ailleurs ce monde, Léon XIV l’a alors présenté comme plongé dans la « nuit ». L’Eglise, dont il se veut le « fidèle administrateur au profit de tout le Corps mystique » (encore une expression un peu oubliée, remplacée par « le peuple de Dieu » depuis bien des années), il la voit comme « la ville placée sur la montagne, l’arche du salut qui navigue sur les flots de l’histoire, phare qui éclaire la nuit du monde ». Il prêche Jésus le Christ Sauveur, mettant en garde contre la tentation du monde qui soit s’en moque, soit le réduit à « une sorte de leader charismatique ou de super homme, et cela non seulement chez les non-croyants, mais aussi chez nombre de baptisés qui finissent ainsi par vivre, à ce niveau, dans un athéisme de fait ». Toute cette homélie est à lire, couronnée à la fin par une référence au martyre de saint Ignace d’Antioche, par la citation de ce dernier : « Alors je serai vraiment disciple de Jésus-Christ, quand le monde ne verra plus mon corps. » Ignace faisait référence au fait qu’il allait être dévoré par les bêtes. Le pape Léon XIV ajoute : « Ses paroles renvoient de manière plus générale à un engagement inconditionnel pour quiconque exerce un ministère d’autorité dans l’Eglise : disparaître pour que le Christ demeure, se faire petit pour qu’Il soit connu et glorifié (cf. Jn 3, 30), se dépenser jusqu’au bout pour que personne ne manque l’occasion de Le connaître et de L’aimer. »

Robert Prevost invitait les confirmands au martyre

Tel est le sens de la mission. Et ces paroles ne sont pas neuves dans la bouche du nouveau pape. On trouve sur Internet une vidéo de l’homélie qu’il prononça lors d’une cérémonie de confirmation en espagnol, devant tout un parterre de jeunes très sérieux où il leur parle de la persécution qu’ils auront peut-être à endurer. « Non pas, probablement », la persécution sanglante, mais une de ces autres formes très nombreuses de persécution qui vont de la moquerie à l’accusation : « Les catholiques sont tous des corrompus… pourquoi perdre ton temps à croire en Dieu quand tu pourrais avoir une vie confortable, tranquille, avec beaucoup de plaisirs, en allant où tu veux et en faisant ce que tu veux ? » Il leur rappelle qu’ils sont prêts à vivre en proclamant leur foi, prêts à vivre et à mourir joyeusement dans leur vocation chrétienne. « Tous, dès le baptême, nous avons une vocation, dans la vie chrétienne, à être fidèles, à vouloir suivre Jésus-Christ, à vouloir parvenir à la vie éternelle », disait-il.

Ailleurs, on voit celui qui était encore évêque de Chiclayo prendre congé de son diocèse pour aller Rome, où le pape François venait de l’appeler à rejoindre le Dicastère pour les évêques. Il expliquait à ses confrères, au lendemain des 10 ans du pontificat, qu’il avait rencontré à plusieurs reprises Jorge Mario Bergoglio alors que celui-ci était encore archevêque de Buenos Aires et qu’il était lui-même général des Augustins :

« Quand il a été élu, j’ai dit à quelques frères : “Bien, c’est très bien, et grâce à Dieu je ne serai jamais évêque.” Je ne vais pas vous raconter la raison, mais disons que toutes les rencontres avec le cardinal Bergoglio n’ont pas été des moments de grand accord entre nous. »

La rupture de Léon XIV par rapport à François : pas tout à fait une nouveauté

Par la suite, le P. Prévost raconte avoir invité François à assister au chapitre général des Augustins à Rome, ce qu’il fit à la surprise générale en présidant la messe à Saint-Augustin (où le P. Prévost a confié se rendre chaque fois qu’il allait à Rome pour se recueillir sur la tombe de sainte Monique). Le pape lui dit, à la fin de la cérémonie, de se « reposer maintenant ». Quelques mois plus tard, il était nommé évêque de Chiclayo… Où il aurait bien aimé rester. « Mais on doit obéir à tous les âges de la vie », concluait-il.

Bergoglien ? Pas complètement donc, et en tout cas il ne s’est pas senti obligé de se montrer fidèle au style pontifical de François, ni en actes ni en paroles… De telle sorte que ce lundi, après avoir reçu les représentants de la presse internationale qui l’ont reçu avec une ovation debout, souriante, applaudissant à tout rompre, il ne s’est pas contenté de leur dire : « Que Dieu vous bénisse. » Non, il leur a adressé une bénédiction pontificale, en latin.

Au Regina caeli de dimanche midi, le pape Léon avait déjà surpris en chantant l’hymne solennellement, en entraînant la foule à la chanter avec lui. Pour les fidèles de la liturgie traditionnelle, c’est une première indication, sans être une promesse de « paix liturgique ».

Il a expliqué le choix de son nom de pape dans son discours à la Curie, samedi matin :

« Il y a plusieurs raisons, mais principalement parce que le Pape Léon XIII, avec l’encyclique historique Rerum novarum, a abordé la question sociale dans le contexte de la première grande révolution industrielle ; et aujourd’hui l’Eglise offre à tous son héritage de doctrine sociale pour répondre à une autre révolution industrielle et aux développements de l’intelligence artificielle, qui posent de nouveaux défis pour la défense de la dignité humaine, de la justice et du travail. »

Léon XIV : les rerum novarum d’aujourd’hui concernent l’IA

Voilà un pape qui parle de l’intelligence artificielle et de la menace qu’elle représente. Il a ainsi pointé d’emblée l’une des principales questions de notre temps.

Le nouveau pape a placé son pontificat sous la protection de la Vierge Marie, en invoquant tout spécialement la Madone de Pompéi que l’on fête le 8 mai, jour de son élection ; c’est Notre Dame du Rosaire, à laquelle un avocat anticlérical et ancien prêtre sataniste, converti par une apparition de la Vierge, érigea le sanctuaire qui l’honore en ce lieu. Le décret de canonisation du bienheureux Bartolo Longo, « l’apôtre du Rosaire » (comme Léon XIII dont il était proche, était appelé « pape du Rosaire ») a été signé en février dernier par le pape François…

Léon XIV a voulu dès samedi après-midi se rendre à la basilique des Pères Augustins à Genazzano, à une cinquantaine de kilomètres de Rome, pour y prier Notre Dame du Bon Conseil qui y est honorée. Son blason pontifical porte le lys blanc de la Vierge Immaculée. Ce sont des signes, là aussi. Des signes d’espérance. Il nous reste à prier pour ce père… retrouvé.

Jeanne Smits

Source : https://reinformation.tv/leon-xiv-rupture-confusion-smits/