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La France crée un précédent dans l’UE en mettant en place un arsenal de surveillance pour les Jeux olympiques de 2024

Publié par Politico, le 23 mars 2023

Les défenseurs de la vie privée estiment que cette infrastructure de sécurité pourrait devenir permanente.

PARIS – Le projet français de caméras de surveillance alimentées par l’IA pour les Jeux olympiques d’été de 2024 à Paris a franchi jeudi [mars 2023] un dernier obstacle législatif.

Le gouvernement français souhaite expérimenter des systèmes de caméras à grande échelle et en temps réel, soutenus par un algorithme pour repérer les comportements suspects, y compris les bagages non supervisés et le déclenchement d’alarmes pour avertir des mouvements de foule comme les bousculades, pour le méga-événement sportif de l’année prochaine.

Dans une salle peu remplie, les députés français ont approuvé le projet de loi controversé après plus de sept heures de débats houleux. Le texte peut encore être contesté devant la plus haute juridiction constitutionnelle du pays.

La semaine dernière, un groupe d’une quarantaine de législateurs européens, principalement de gauche, a demandé à ses homologues français de voter contre le texte. Ils ont averti dans une lettre que « la France créerait un précédent de surveillance d’un type jamais vu en Europe, en utilisant le prétexte des Jeux olympiques [d’été de 2024 à Paris] ».

Au cours des derniers mois, le projet a également fait l’objet d’une vive opposition de la part d’ONG de défense des droits numériques, dont La Quadrature du Net (France), ainsi que de groupes internationaux tels qu’Amnesty International et Access Now. Outre les préoccupations relatives à la protection de la vie privée, elles ont mis en évidence un conflit potentiel avec la loi européenne sur l’intelligence artificielle, qui fait actuellement l’objet de discussions à Bruxelles et qui pourrait limiter la surveillance biométrique.

Le gouvernement affirme que les caméras de surveillance algorithmique sont nécessaires pour assurer la sécurité des millions de touristes attendus à Paris l’année prochaine. Lors des débats de mercredi soir, les législateurs du parti du président Emmanuel Macron ont affirmé que les caméras dotées d’IA auraient pu empêcher l’attentat terroriste de Nice en 2016 en repérant le camion avant qu’il ne fonce dans la foule. Ils ont également déclaré qu’elles auraient pu contribuer à éviter le fiasco de la sécurité lors de la finale de la Ligue des champions de football l’été dernier.

Les députés de l’opposition de gauche ont toutefois répondu que la surveillance de masse par l’IA était sans précédent dans les sociétés démocratiques et qu’elle menaçait dangereusement les libertés civiles. Ils craignent également que les mesures, présentées comme temporaires, ne deviennent en fait permanentes. L’histoire a montré, selon eux, que les Jeux olympiques dans des pays comme la Chine ont été utilisés pour tester des infrastructures de sécurité invasives qui n’ont jamais été démantelées par la suite.

Mais dans un pays désormais plus préoccupé par l’augmentation de l’âge de la retraite, les législateurs de l’opposition n’ont pas réussi à rassembler suffisamment de soutien contre le texte, ni même d’intérêt. Seuls 73 députés sur 577 se sont présentés pour voter.

Source en anglais : https://www.politico.eu/article/france-eu-precedent-2024-olympics-surveillance/