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L’UE sera « prête » pour la guerre avec la Russie d’ici 2030

Publié en anglais par Politico le 15 octobre 2025

BRUXELLES — Les pays de l’UE ont cinq ans pour se préparer à la guerre, selon un plan militaire qui sera présenté jeudi par la Commission européenne et dont POLITICO a pris connaissance.

« D’ici 2030, l’Europe doit disposer d’une posture de défense suffisamment forte pour dissuader de manière crédible ses adversaires et répondre à toute agression », indique le projet de plan, qui sera discuté par les ministres de la Défense mercredi soir avant d’être présenté au Collège des commissaires jeudi [16 octobre 2025]. Il sera soumis aux dirigeants de l’UE la semaine prochaine.

La feuille de route pour la préparation de la défense 2030 témoigne du rôle croissant de l’UE dans les affaires militaires, en réaction à la guerre menée par le président russe Vladimir Poutine contre l’Ukraine et à l’engagement ambigu du président américain Donald Trump envers la sécurité européenne.

« Une Russie militarisée représente une menace persistante pour la sécurité européenne dans un avenir prévisible », indique le document, qui a été révélé pour la première fois par Bloomberg.

Alors que les pays de l’UE augmentent rapidement leurs budgets de défense, une grande partie de ces dépenses « reste majoritairement nationale, ce qui entraîne une fragmentation, une inflation des coûts et un manque d’interopérabilité », indique le document de 16 pages.

L’exécutif européen incite les capitales à acheter des armes ensemble et souhaite qu’au moins 40 % des achats de défense soient des contrats conjoints d’ici la fin 2027, contre moins d’un cinquième actuellement. La feuille de route fixe également des objectifs visant à ce qu’au moins 55 % des achats d’armes proviennent d’entreprises européennes et ukrainiennes d’ici 2028, et au moins 60 % d’ici 2030.

Définition des priorités

Le document passe en revue, point par point, une série de priorités.

L’un de ses principaux objectifs est de combler les lacunes de l’UE en matière de capacités dans neuf domaines : défense aérienne et antimissile, moyens de soutien, mobilité militaire, systèmes d’artillerie, intelligence artificielle et cybersécurité, missiles et munitions, drones et antidrones, combat terrestre et maritime. Le plan mentionne également des domaines tels que la préparation à la défense et le rôle de l’Ukraine, qui serait lourdement armée et soutenue pour devenir un « porc-épic d’acier » capable de dissuader l’agression russe.

Il comprend également des calendriers pour trois projets clés : l’Eastern Flank Watch, qui intégrera les systèmes de défense terrestre aux systèmes de défense aérienne et de lutte contre les drones, et le « mur européen contre les drones » récemment proposé par la Commission pour mieux protéger les pays de l’Est ; l’European Air Shield, qui vise à créer un système de défense aérienne à plusieurs niveaux ; et le Defence Space Shield, destiné à protéger les ressources spatiales de l’Union.

La Commission espère que les dirigeants de l’UE approuveront ces trois projets d’ici la fin de l’année.

Pour être prêts d’ici 2030, selon le projet de feuille de route, les projets dans tous les domaines prioritaires devraient être lancés au cours du premier semestre 2026. D’ici la fin 2028, les projets, les contrats et le financement devraient être en place pour combler les lacunes les plus urgentes.

La Commission souhaite également cartographier l’augmentation de la capacité industrielle nécessaire pour combler les lacunes et identifier les risques et les goulets d’étranglement dans la chaîne d’approvisionnement en matières premières critiques. Cela pourrait s’avérer controversé, car l’industrie européenne a toujours été réticente à partager trop d’informations sur la production et les chaînes d’approvisionnement avec Bruxelles.

Trouver les fonds

Le document indique que l’UE aidera à mobiliser jusqu’à 800 milliards d’euros pour la défense, dont 150 milliards d’euros pour le programme SAFE de prêts pour l’achat d’armes, 1,5 milliard d’euros pour le programme industriel européen de défense (qui est toujours en cours de négociation), le Fonds européen de défense et, une fois qu’il aura été adopté en 2027, le prochain budget pluriannuel de l’Union.

Il souligne que les pays garderont le contrôle, insistant sur le fait que « les États membres sont et resteront souverains en matière de défense nationale ». Malgré cette formulation prudente, certains pays membres s’opposent à ce que l’UE joue un rôle plus important dans le domaine de la défense, traditionnellement réservé aux gouvernements nationaux.

« L’objectif premier doit être de préparer les conditions permettant aux États membres d’atteindre leurs objectifs nationaux et internationaux en matière de capacités », a déclaré l’Allemagne dans sa contribution officielle à la feuille de route « Readiness 2030 » de l’UE.

La contribution de la Suède, diffusée parmi les diplomates, indique que « les indicateurs doivent être axés sur les résultats et se concentrer sur la mesure de résultats tangibles », plutôt que d’exiger dans quelle mesure les pays utilisent des outils spécifiques tels que les achats conjoints.


Le plan militaire, en préparation depuis l’été, s’efforce de répondre aux préoccupations de l’ensemble du bloc, et pas seulement des pays qui se sentent le plus menacés par la Russie. En référence aux pays du sud de l’Europe tels que l’Italie et l’Espagne, il stipule que « l’Europe ne peut se permettre d’ignorer les menaces provenant d’autres régions du monde », mentionnant notamment le Moyen-Orient et l’Afrique.

Le projet insiste également sur le fait que l’UE coordonnera étroitement ses actions avec l’OTAN. L’alliance et certaines capitales nationales craignent que Bruxelles ne mette en place une structure de défense parallèle qui compliquerait les plans de guerre au lieu de s’intégrer harmonieusement à l’OTAN.

L’objectif est de permettre à l’UE de devenir plus indépendante dans un monde beaucoup plus périlleux.

« Les États autoritaires cherchent de plus en plus à s’ingérer dans nos sociétés et nos économies », indique le projet. « Les alliés et partenaires traditionnels se tournent également vers d’autres régions du monde… La posture et les capacités de défense de l’Europe doivent être prêtes pour les champs de bataille de demain. »

Source : https://www.politico.eu/article/eu-ukraine-russia-ready-for-war-2030/