Effets indésirables,  Vaccins

Mayotte – La Réunion : les personnes de 65 ans et plus retirées de la campagne de vaccination contre le chikungunya après trois événements indésirables graves dont un décès

Publié par BFM TV le 29 avril 2025

Les autorités sanitaires ont retiré les personnes de 65 ans et plus de la campagne de vaccination contre le chikungunya avec le vaccin Ixchiq à Mayotte et La Réunion après trois « événements indésirables graves », dont un décès. La vaccination est toutefois encouragée pour les moins de 65 ans.

Les autorités sanitaires ont annoncé ce samedi 26 avril [2025] retirer les personnes de 65 ans et plus de la campagne de vaccination contre le chikungunya avec le vaccin Ixchiq à Mayotte et La Réunion après trois « événements indésirables graves », dont un décès.

« La vaccination reste ouverte pour les personnes âgées de 18 à 64 ans présentant des comorbidités », a précisé le ministère de la Santé dans un communiqué, alors que l’épidémie de chikungunya a provoqué à ce stade la mort de neuf personnes à La Réunion.

Saisie en urgence par le gouvernement, la Haute autorité de santé avait préconisé en mars de vacciner en priorité les plus de 65 ans, les adultes ayant des comorbidités (hypertension artérielle, diabète, maladies cardiovasculaires, etc) et les agents de lutte anti-moustique dans cette île française de l’océan Indien. Le gouvernement avait suivi ces recommandations pour un début de campagne le 7 avril.

La décision des autorités sanitaires survient après qu’elles ont été informées le 23 avril de deux « événements indésirables graves », dont un décès, puis d’un troisième le 25 avril.

Des symptômes variés

Les trois « événements indésirables graves confirmés » sont survenus à La Réunion « à la suite d’une vaccination contre le chikungunya avec le vaccin Ixchiq de Valneva, chez des personnes de plus de 80 ans présentant des comorbidités », précise le ministère de la Santé sur son site.

« Deux personnes ont présenté des symptômes similaires à ceux d’une forme grave de chikungunya quelques jours après la vaccination, dont l’une est décédée. La troisième est sortie d’hospitalisation », ajoute le ministère.

Cette maladie se manifeste par de la fièvre, des douleurs articulaires et musculaires, des maux de tête ou encore par une éruption cutanée. « Dans certains cas, des formes neurologiques graves peuvent survenir, notamment des méningo-encéphalites et des atteintes des nerfs périphériques », qui peuvent entraîner la mort du patient, selon l’Institut Pasteur.

Un agent infectieux mis en cause

Ces événements indésirables peuvent s’expliquer par la nature du vaccin Ixchiq, explique Jean-Daniel Lelièvre, chef du département d’immunologie clinique et des maladies infectieuses de l’hôpital Henri Mondor, à BFMTV.com. Ce vaccin contre le chikungunya est un vaccin vivant atténué.

Ces vaccins, comme le BCG ou le ROR, sont « constitués d’agents infectieux atténués (virus, bactéries) » et créent donc « une infection a minima », selon le site officiel vaccination info service. Ils « induisent une protection immunitaire proche de celle qui fait suite à une infection naturelle: rapide et généralement durable », ajoute-t-il. Mais, puisqu’ils contiennent un agent infectieux vivants, ils sont contre-indiqués chez les personnes immunodéprimées.

Et au-delà de ces personnes, « il y a plus d’événements indésirables pour les vaccins vivants atténués chez les seniors en général, on l’a vu avec le vaccin contre la fièvre jaune par exemple », développe Jean-Daniel Lelièvre. Les autorités sanitaires cherchent donc, pour ces personnes, à établir un équilibre entre les risques entraînés par le vaccin et les bénéfices qu’il peut apporter à ces populations vulnérables face à des maladies comme le chikungunya.

Pour le vaccin Ixchiq, « on avait beaucoup de données chez les plus jeunes, mais chez les plus de 65 ans, il y avait assez peu de données, environ 400 personnes. Ce qui permet d’éliminer les effets indésirables très fréquents, mais pas les plus rares », ajoute l’immunologue, membre de la commission technique des vaccinations de la HAS. Ce vaccin a reçu une autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne le 28 juin 2024 et a commencé à être administré à La Réunion en avril.

« Et il ne faut pas oublier que les sujets très âgés ont souvent des comorbidités: diabète, insuffisance cardiaque… », souligne Jean-Daniel Lelièvre. Cela en fait des personnes plus à risque face au chikungunya, mais aussi, dans le cas d' »un vaccin vivant atténué, qui donne une infection à bas bruit » celle-ci « peut suffire chez les gens qui sont déjà très fragiles à décompenser un état précaire pré-existant ». Toutes ces hypothèses devront toutefois être validées après investigation des autorités sanitaires.

La vaccination toujours encouragée pour les moins de 65 ans

Les autorités encouragent en revanche la vaccination pour les moins de 65 ans à La Réunion. « Si vous avez une insuffisance rénale, une insuffisance cardiaque, respiratoire, un diabète, une obésité, vous avez entre 18 et 65 ans, il est recommandé à l’heure où je vous parle de se faire vacciner », a déclaré le ministre de la Santé Yannick Neuder sur France 3 ce dimanche. Et en cas d’effets indésirables « particulièrement intenses » après la vaccination, le ministère préconise de contacter rapidement un médecin.

Interrogé samedi sur Réunion La 1ère, le patron de l’ARS a souligné que l’arrêt de la campagne de vaccination (pour les 18-64 ans avec comorbidités) n’était « pas envisagé », le vaccin pouvant « amener à une immunité collective ». Les « événements indésirables graves » recensés à La Réunion concernent des personnes de plus de 80 ans, et pour les moins de 65 ans, « on dispose de plus de données » sur ce vaccin, affirme Jean-Daniel Lelièvre.

Jusqu’alors, les recommandations visaient les plus de 65 ans « parce qu’on n’avait pas suffisamment de doses, donc on a ciblé les plus à risques de faire une forme sévère du chikungunya (hospitalisation, décompensation de maladies pré-existantes)… », explique Jean-Daniel Lelièvre.

« Ce qui ne veut pas dire que plus jeune, on ne peut pas faire de formes sévères », alerte-t-il. Les plus jeunes sont notamment à risque de connaître des répercussions de cette maladie sur le long terme, avec des douleurs articulaires persistantes. Elles peuvent survenir chez 30 à 40% des patients et durer plusieurs mois voire années chez quelques patients, selon Santé publique France.  

Les autorités nient « tout essai à grandeur nature »

S’il estime « sage » d’avoir arrêté la campagne pour les plus de 65 ans, Jean-Daniel Lelièvre souligne que « la science, ce n’est jamais blanc ou noir ». « Quand on a recommandé ce vaccin, on l’a fait parce que la maladie était en train de flamber à la Réunion, qu’il y avait des décès, plusieurs centaines d’hospitalisations… Avec les événements indésirables aujourd’hui, on a un peu de mal à percevoir la balance bénéfices-risques, donc on est plutôt en faveur d’éviter de faire courir un risque aux gens« , développe le membre de la commission technique des vaccinations de la HAS. Notamment dans le contexte actuel, où l’épidémie se « stabilise », même si elle reste à « un haut niveau », selon le dernier bulletin de Santé publique France.

Mais « il faut être très clair »: « ce n’était pas un essai à grandeur nature à La Réunion », assure l’immunologue. Le directeur général de la Santé, le Dr Grégory Emery, a lui estimé dimanche que la campagne n’avait pas été lancée trop rapidement, « toutes les étapes » de contrôle ayant été « respectées ».

Mais l’argument ne convainc pas tout le monde sur l’île où vivent plus de 885.000 personnes. « J’ai le sentiment que nous sommes pris pour des cobayes, cette affaire va encore diminuer la crédibilité des autorités sanitaires aux yeux de la population« , a déclaré à l’AFP Henri, 69 ans, commercial à la retraite à Saint-Benoît (est de La Réunion).

Jean-Daniel Lelièvre tient aussi à rappeler qu' »il est difficile de se prévenir du chikungunya, transmis par les moustiques tigres qui piquent quand on ne les entend pas ». Pour l’heure, ce vaccin est le seul disponible. Près de 120.000 personnes ont été contaminées par le virus depuis le début de l’année, selon les estimations de l’ARS. Neuf décès de personnes de plus 70 ans porteuses de comorbidités ont été enregistrés par Santé publique France. Neuf autres décès, dont celui d’un nourrisson, sont en cours d’investigation.

Source : https://www.bfmtv.com/sante/chikungunya-ce-que-l-on-sait-des-evenements-indesirables-graves-lors-de-la-campagne-de-vaccination_AN-202504290814.html