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Soignants suspendus : témoignages et appel à la solidarité

N’oublions pas les soignants suspendus qui, depuis le 15 septembre 2021, sont sans revenu, mis à la porte avec une violence psychologique inouïe, dans l’indifférence quasi générale de la population.

Nous vous proposons un témoignage d’une soignante suspendue et un message d’un soignant suspendu lyonnais.


Message de Cléo, soignante suspendue, publié le 31 mars 2022

Beaucoup me demande si je serais prête à réintégrer l’hôpital si l’état levait l’obligation vaccinale. Je me suis retrouvée sur la paille, séparée de mon compagnon, j’ai du rendre mon appartement que j’adorais. Je me suis mise à boire pour oublier, je ne mangeais plus rien et ne dormais quasiment plus. J’ai broyé du noir pendant de très très longues semaines et j’ ai tenté de mettre fin à mes jours.

Mais je me suis relevée. J’ai pansé mes plaies, séché mes larmes et essayé d’avancer dans la pénombre et l’avenir plus qu’incertain. J’ai postulé à 252 offres d’emplois et essuyé autant de refus, n’étant pas vaccinée et les métiers de la santé l’exige quasi tout le temps. Chaque refus était une claque en pleine face, qui me renvoyait à la culpabilité et à l’humiliation. Chaque refus était noyé dans des verres d’alcool, des cris, et des larmes.

La 253eme offre d’emploi à laquelle j’ai postulé, je n’y croyais même plus, persuadée que j’allais, une fois de plus, me prendre une claque en pleine face. Les claques, ça fait mal et quand on est à terre, on ne sait pas si on sera capable de se relever. La 253 ème offre d’emploi était la bonne. Elle a débouché sur un contrat en CDI, dans un milieu complètement opposé à la santé mais qui me permet de payer mes factures. Après 16 années à sauver des vies, je n’avais aucune expérience dans un autre domaine, je ne savais qu’aider et écouter.

Aujourd’hui je rentre chez moi tous les soirs, je ne travaille plus la nuit ni les weekends et je n’ai plus d’horaires décalés. Je perds certes énormément d’argent, mais je payes mes factures, mes charges et parfois j’arrive même à mettre un peu de côté pour un petit plaisir.

Alors si l’état lève l’obligation vaccinale, si mon téléphone sonne et qu’on me dit : « Cléo vous êtes réintégrée » , à votre avis qu’elle sera ma réponse ? Quelle réponse je pourrais donner à l’hôpital qui m’a jetée après 16 années de service irréprochable avec une enveloppe « urgent » ?

Quelle réponse donner à ceux qui m’ont effacée et humiliée ? Quelle réponse apporter quand on vous a privé de salaire pendant des mois et qu’on vous a privé de chômage et d’aides en vous laissant sans rien ?

Alors quand mon téléphone sonnera et si il sonne, que l’on me dira « Cléo vous êtes réintégrée », j’attaquerai l’hôpital en justice, je réclamerais tous les salaires qui ne m’ont pas été versés et je demanderai des dommages et intérêts pour tous les préjudices et violences subis.

Je n’étais pas qu’un matricule. J’étais avant tout une personne, un être humain avec le cœur sur la main et une extrême sensibilité. J’ai tout donné pour l’hôpital et lui en retour m’a tout pris du jour au lendemain. Mais il n’aura pas ma dignité, jamais.

Source : https://twitter.com/CleoKapp/status/1509606522363551751

« Ce n’est pas juste une suspension » par Cléo

Se faire voler ses rêves, briser ses ambitions par l’état qui a bafoué tous les codes, se faire accuser et montrer du doigt par certains, ce n’est pas juste une suspension, c’est aussi la fin d’une vocation.

Se voir retirer sa carte pro vieillie de 16 années de dévouement total, devoir rendre ses tenues, ses blouses blanches, son casier, se voir supprimer de la messagerie professionnelle de l’hôpital, voir son badge d’accès désactivé, voir son nom enlevé du planning, son matricule effacé, ce n’est pas qu’une suspension, c’est aussi la fin d’une passion.

Recevoir des messages accusateurs de la part de certains collègues parce que, comprenez vous, à cause de mon entêtement, ils sont obligés de travailler plus, même si ils sont positifs et que c’est pas cool. Oui ça fout le bazar dans les plannings de pas se faire vacciner contre une maladie qu’on a déjà eue. Oui Cléo, franchement t’abuses de pas faire comme tout le monde. C’est juste une piqûre. T’as peur des aiguilles ? T’as pensé à nous ? Comment on va faire pour les congés hein ? Tu es égoïste, tu penses qu’à toi.

Ce n’est pas qu’une suspension, c’est aussi la culpabilité. Recevoir son recommandé de mise à la porte tamponné urgent, voir que 16 grandes années au service des autres, ça tient dans une enveloppe minuscule. Réceptionner un courrier du fisc, l’ouvrir les mains tremblantes, comprendre qu’en plus d’être suspendue, il faut aussi rembourser l’hôpital qui vient de nous mettre sur la paille. Ce n’est pas qu’une suspension, c’est aussi l’injustice.

Passer ses nuits à pleurer, vider les bouteilles d’alcool qui ne sont jamais assez nombreuses, avaler tout et n’importe quoi juste pour ne pas penser, et essayer d’apaiser la douleur qui vous saisie tel un feu ardent et vous consume. Adopter des conduites à risques, ne pas manger pendant des jours, perdre 10 kilos, ne plus répondre au téléphone, ce n’est pas qu’une suspension. C’est aussi la dépression.

Ouvrir un compte tweeter, y crier son désarroi et sa peine, se faire agresser par des médecins et soignants qui jubilent, insultent, accusent en n’apportant aucun argument autre que le mépris et l’arrogance. Les voir reprendre mes tweets et s’en moquer ouvertement, les citer pour se marrer et dire que de toute manière je ne méritais pas d’exercer mon métier et que bon débarras […].

Se rendre compte qu’être médecin ne signifie pas forcément respecter l’éthique et le serment, qu’être soignant ne signifie pas respecter les collègues et les gens, que l’esprit d’équipe n’existe plus dans ce monde où chacun croit avoir un droit sur le corps de l’autre, ce n’est pas qu’une suspension, c’est aussi l’humiliation.

Voir que les français n’ont pas tous perdu la tête, recevoir des messages de soutien de la part d’inconnus, s’apercevoir que beaucoup sont indignés de ce que l’on nous a fait subir, nouer des relations improbables et des amitiés à travers les frontières, ce n’est pas qu’une suspension, c’est aussi la solidarité, la générosité qui viennent compenser l’amertume et la souffrance.

On n’a pas « juste » été suspendu, non c’est beaucoup plus pervers que ça.

On a brisé nos vies,

Cassé nos rêves,

Détruit nos âmes.

Source : https://twitter.com/CleoKapp/status/1509467431127121922


Message de Brice, soignant suspendu, à la recherche de petits boulots

Urgent, je recherche à Lyon, ces prochains jour mission de travail de particulier à particulier. Merci de votre aide. Contact par mp @BriceOf_Lyon

Source : https://twitter.com/BriceOf_Lyon/status/1509734121609777153?cxt=HHwWgsCy_ejL0_MpAAAA

Message de Brice :

Sans salaire depuis 7 mois avec de nombreux frais de justices notamment. Je fais appel à votre solidarité pour m’en sortir. Soit en me donnant des missions sur Lyon (gardes, ménages…) soit en m’aidant par paypal : http://paypal.me/BriceofLyon. Merci de tout coeur.

Source : https://twitter.com/BriceOf_Lyon/status/1509732452859846658