L’Allemagne abandonne la conscription pour un service militaire facultatif

Publié par The Telegraph le 28 mai 2024

Le ministre de la défense revoit à la baisse le projet initial de service militaire, le nouveau modèle étant « largement volontaire ».

L’Allemagne aurait abandonné son projet de conscription militaire au profit d’un service militaire facultatif, craignant de perdre des électeurs de gauche.

Lors d’une réunion cette semaine avec les dirigeants du SPD, Boris Pistorius, ministre allemand de la défense, a dévoilé une version considérablement édulcorée du projet initial, qui comprendra également des incitations telles que des réductions pour les étudiants et des cours de langue gratuits, a rapporté le journal allemand Spiegel.

Le nouveau modèle sera « largement volontaire », ont déclaré des sources au Spiegel, et cherchera à attirer les recrues avec des avantages spéciaux, tels que l’exonération des frais de permis de conduire, des cours de langue gratuits ou des réductions sur le remboursement des prêts étudiants.

L’Allemagne s’est donné pour mission de développer considérablement son armée, avec l’ambition de devenir le pays d’Europe qui dépense le plus dans le domaine militaire.

Cette semaine, Rishi Sunak a lui aussi lancé l’idée que son parti conservateur introduirait un service national obligatoire pour les jeunes de 18 ans s’il remportait les élections en juillet [2024].

Le retour de la conscription en Allemagne avait été salué comme un signe de sérieux de la part de Berlin, suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Mais avec les élections parlementaires européennes du mois prochain, la politique révisée semble être motivée par la politique intérieure et la crainte que la conscription n’aliène les jeunes et les électeurs de gauche.

Selon le Spiegel, l’expression « service militaire obligatoire » n’a pas été mentionnée lors de la présentation de M. Pistorius aux alliés du SPD. Toutefois, les plus de 18 ans pourraient être obligés de remplir un questionnaire médical pour évaluer leur condition physique dans le cadre du nouveau programme.

La nouvelle version du programme semble tellement édulcorée qu’elle s’apparente davantage à une extension des programmes de recrutement existants de la Bundeswehr, note le magazine.

L’apparente volte-face du ministère allemand de la défense, qui, sous la houlette de M. Pistorius, s’efforce de transformer le pays en une nation « kriegstüchtig » ou « prête à la guerre », intervient alors que M. Pistorius s’est fait le champion du modèle suédois de conscription.

Dans ce pays, une centaine de milliers de jeunes sont sélectionnés pour le service militaire chaque année, mais seuls 5 % d’entre eux s’engagent dans l’armée.

La Bundeswehr envoie déjà des cartes postales aux jeunes dès qu’ils atteignent l’âge de 18 ans afin de les inciter à envisager le service militaire comme un choix de carrière précoce. Mais M. Pistorius avait déjà déclaré qu’il était « convaincu » que la conscription était nécessaire.

Olaf Scholz, le chancelier allemand, a été l’un des opposants à cette idée, qui était profondément impopulaire parmi les jeunes Allemands avant même d’être abandonnée en 2011.

Au début du mois de mai, M. Scholz a jeté un froid sur le modèle suédois lors d’une visite à Stockholm, appelant à une idée « équilibrée » adaptée aux besoins de l’Allemagne.

Peu d’intérêt pour la réintroduction du service militaire

Les initiés et les analystes politiques allemands ont déclaré que le rapport du Spiegel n’était pas une grande surprise.

Rafael Loss, chercheur au European Council on Foreign Relations, a déclaré que le SPD essayait probablement de réduire les discussions ambitieuses sur l’armée allemande, car cela pourrait rebuter les électeurs de gauche lors des prochaines élections au Parlement européen.

« La coalition gouvernementale est peu encline à présenter une quelconque proposition globale pour la réintroduction du service militaire, certainement pas avant les élections européennes », a-t-il déclaré.

Sergej Sumlenny, un expert en sécurité basé à Berlin et fondateur du European Resilience Initiative Center, a déclaré que la Bundeswehr n’était pas non plus prête à recevoir un afflux de nouvelles recrues dans le cadre d’un modèle de conscription.

« Le problème avec la conscription est que l’armée allemande n’est pas capable de s’adapter à tous les jeunes qui seraient enrôlés ; il n’y a pas de structure pour cela. Ce n’est pas seulement une question d’argent, c’est une question de structure », a-t-il déclaré.

Dans une interview accordée au Telegraph au début de l’année, Carsten Breuer, chef de la défense de la Bundeswehr, a déclaré que l’Allemagne était prête à « accroître ses efforts dans un monde caractérisé par des crises multiples ».

« Cela implique que l’Allemagne joue un rôle en tant que grande puissance européenne », a-t-il ajouté.

Source en anglais : https://www.telegraph.co.uk/world-news/2024/05/28/germany-abandons-conscription-optional-military-service/