
Trump, les droits de douanes et la fin d’un certain mondialisme
Publié par MPI le 7 avril 2025 – Auteur : Francesca de Villasmundo
La bombe nucléaire larguée sur les marchés par Donald Trump avec l’imposition de droits de douane n’a pas de précédent historique mais marque la fin définitive de l’ère de la mondialisation.
Donald Trump a imposé des droits de douane sur des marchandises en provenance du monde entier. L’histoire s’accélère de façon surprenante mais où est la nouveauté ? « Les tarifs douaniers ont toujours existé et représentent l’un des principaux éléments de la souveraineté – politique et économique – de chaque État. Le contrôle des biens et des personnes – désormais aussi des capitaux et des services – entrant et sortant du territoire est l’une des tâches fondamentales des institutions publiques » explique un économiste, Roberto Pecchioli qui ajoute :
« La phase qui a débuté dans les années 1990, après la défaite du communisme soviétique et la victoire du modèle libéral – devenu néolibéral – culminant avec les grandes décisions de l’OMC (Organisation mondiale du commerce) dirigée par les Anglo-Américains, a imposé le modèle mondialiste. L’évangile du libre-échange envisageait l’assouplissement et la disparition progressive des droits de douane, l’homogénéisation rapide ou l’élimination des réglementations de production, sanitaires et industrielles, en vue d’éliminer les barrières extra-douanières, c’est-à-dire toute législation qui entravait la circulation illimitée des biens, des capitaux, des personnes et des services. »
L’imposition de droits de douane par Trump marque la fin définitive de cette ère de la mondialisation
Mais la bombe nucléaire larguée sur les marchés par Donald Trump avec l’imposition de droits de douane, de 20% dans le cas de l’Union européenne et de 34% dans le cas de la Chine, marque la fin définitive de cette ère de la mondialisation, pendant laquelle « la finance compt[ait] désormais plus que les personnes et les gouvernements » selon Giulio Tremonti, l’actuel président de la commission des affaires étrangères du parlement italien. Cette mondialisation faisait les affaires avant tout des milliardaires et des grands financiers apatrides au détriment des nations. La décision de Donald Trump n’a donc pas de précédent historique.
Les 500 personnes les plus riches du monde ont ainsi vu leur richesse combinée chuter de 208 milliards de dollars jeudi dernier [3 avril 2025], alors que les tarifs douaniers massifs annoncés par le président des Etats-Unis ont fait chuter les marchés mondiaux.
L’absence de droits de douane ne faisait, en effet, que favoriser les multinationales, car elles peuvent délocaliser leur production vers des pays où les salaires et les coûts de production sont bas, exploitant ainsi leur main-d’œuvre.
La mondialisation a permis aux fonds d’investissement de devenir centraux au détriment de la souveraineté des États
La mondialisation était synonyme, explique encore Roberto Pechiolli d’ « un marché libre de toutes contraintes et limitations dans la circulation financière, conquis par quelques entités mondiales gigantesques, dans lesquelles les fonds d’investissement sont devenus centraux. Financiarisation de l’économie, délocalisation de la production, abolition des droits de douane et des barrières commerciales, perte de souveraineté des États, à l’ombre de la monnaie dominante, le dollar. Voilà, résumée à l’essentiel, la définition de la mondialisation. Ça n’a pas marché. L’une des raisons est l’erreur de jugement de l’Occident à l’égard de la Chine {qui] s’est transformé[e] à une vitesse prodigieuse en un géant industriel et technologique (…). Une autre raison de la crise a été le déclin du dollar, qui n’est plus capable de maintenir son rôle de monnaie de réserve sans appauvrir l’économie réelle américaine. »
Mais pour comprendre la décision de Trump, il faut rappeler aussi que l’Europe a imposé des droits de douanes aux Etats-Unis :
« En fait, les États-Unis se sont retrouvés confrontés non seulement à l’avancée chinoise, mais aussi aux barrières protectionnistes européennes. Au cours des dernières décennies, les exportations vers les États-Unis ont été largement libres, tandis que le reste du monde, notamment l’UE, a opposé divers obstacles à l’entrée de la production américaine. (…) l’ UE a placé des barrières administratives, bureaucratiques, environnementales et fiscales contre les États-Unis. »
Trump veut réindustrialiser les États-Unis : fin de la délocalisation vers les pays pauvres dont les oligarchies profitaient
La question clé, s’interroge Piecholli est donc de savoir ce que Trump « attend d’une mesure qui semble être une guerre commerciale contre le monde. L’homme à la banane a remporté l’élection avec un slogan simple mais dramatique : Make America Great Again, reconnaissant le déclin des États-Unis et promettant d’inverser la tendance. Notamment en réindustrialisant les USA. Il s’agit de ramener l’industrie manufacturière aux États-Unis, d’attirer les producteurs vers un marché qui représentait autrefois près de la moitié de la richesse mondiale, et de ramener des emplois dans les vastes classes marginalisées par la mondialisation et la prévalence de l’économie du papier ».
L’économiste italien analyse :
« Les tarifs douaniers de Trump marquent la fin de la mondialisation sous la forme d’une délocalisation de la production industrielle vers les pays pauvres et d’une réimportation de produits manufacturés à bas prix sans droits de douane. Le rêve d’éliminer les coûts de main-d’œuvre a chuté de façon spectaculaire, même dans les pays (anciennement) développés, dans une vaine tentative d’équilibrer le dumping salarial dans le tiers monde. Une aubaine pour quelques-uns, un enfer pour beaucoup.
« L’Occident s’est financiarisé mais, devenu incapable de produire, a perdu sa véritable richesse (productive et inventive) abandonnant son rôle hégémonique. Seules les oligarchies en ont profité.
« Avec les tarifs douaniers, Trump attaque le sanctuaire financier et provoque la chute du marché boursier. Une fois la fièvre psychologique passée, des sommes importantes seront déplacées des fonds d’investissement (Black Rock & co.) vers les obligations d’État et l’économie industrielle.
« C’est le retour des États et le réveil de la souveraineté. Une défaite pour la finance spéculative. »
C’est le retour des États et le réveil de la souveraineté. Une défaite pour la finance spéculative
C’est la fin du libre-échange qui est en fin de compte un épisode de l’histoire politique et économique. Ce qui a été vécu au cours du dernier quart de siècle a été avant tout la domination d’une classe capitaliste – la finance – sur une autre – l’industrie.
« Sortir du véritable mondialisme est très compliqué et certainement pas sans douleur, conclut Roberto Piecholli. Il est difficile de prédire l’issue du choc que Trump a infligé à l’histoire, mais une dose de réalité et de souveraineté était nécessaire. »
Même Keir Starmer, le Premier ministre britannique et opposant acharné de Donald Trump ne peut que le constater aujourd’hui : « la mondialisation est finie ».
Les tarifs douaniers profitent aux économies nationales, ce qui signifie qu’ils profitent aux citoyens. Mais cette vision réaliste de Trump est incompréhensible à une majorité de dirigeants européens, de von der Leyen à Macron en passant par l’actuel chancelier allemand, qui veulent toujours plus de fédéralisme européen, toujours moins de souveraineté nationale… Avec eux, le futur des pays européens se déclinera en ruine et destruction pour le sue profit des financiers apatrides.
Francesca de Villasmundo
Source : https://www.medias-presse.info/trump-droits-ddouanes-mondialisme/203612/

