Le smartphone, un outil de contrôle social
Publié par Covid Hub, le 23 mai 2023
D’un usage de plus en plus addictif pour la majorité des gens, les téléphones portables sont devenus, grâce au Covid, technologiquement prêts pour servir de laissez-passer universel. Comment opérer une «détox digitale» ?
Par Rodolphe Bacquet, rédacteur en chef, Alternatif bien-être – (texte adapté par Covidhub)
Il y a quelques jours, je racontais à un ami que j’avais oublié la veille mon téléphone quelque part, et que je ne l’avais retrouvé que le matin suivant.
«Moi, quand ça m’arrive, c’est l’angoisse! Une émotion vraiment intense. Mon téléphone, ça fait partie de moi maintenant!», m’a-t-il dit.
Son cas n’est pas isolé, il exprime une névrose d’un nouveau genre qu’on nomme la nomophobie. C’est la contraction de no mobile phobia, autrement dit: la phobie d’être sans son portable.
Tous rivés sur nos écrans
En 2012, un article de presse mentionnait déjà une enquête établissant que deux tiers des utilisateurs de téléphones portables se disaient «très angoissés» à l’idée de le perdre – une proportion montant à 76% chez les 18-24 ans.
Je mettrais ma main à couper qu’aujourd’hui, 90% de la population au bas mot est «nomophobe». Faites le test dans le métro, dans le bus ou dans la rue: les gens qui n’ont pas les yeux rivés sur leur smartphone sont tellement rares qu’ils passent pour des «originaux», autrement dit une anomalie comme moi avec mon livre dans le bus.
Il y a trois jours j’ai même vu une mère traverser la rue, la poignée de sa poussette dans une main, son téléphone dans l’autre, les yeux rivés sur l’écran, manquer de se prendre une voiture.
Comme une drogue
Le téléphone portable, pour l’immense majorité d’entre nous, n’est plus un outil à notre service: c’est un objet addictif, exerçant la même emprise qu’une drogue.
Vous croyez ne pas en dépendre, mais son absence imprévue ou subie provoque un sentiment de panique, de désarroi, voire de désespoir.
Elle provoque un handicap social: ce phénomène, plus encore que l’addiction aux réseaux sociaux ou aux jeux compulsifs, nous devons le regarder avec beaucoup de prudence.
Un progrès technique remarquable… mais pas un progrès humain
Bien sûr, il s’agit d’un progrès technique remarquable. Je trouve très commode, avec un seul objet, de pouvoir appeler en vidéo mes parents vivant à des centaines de kilomètres, demander à ma conjointe de passer à la boulangerie, faire des photos de mes enfants, ou localiser ce restaurant où j’ai rendez-vous.
Mais ce progrès technologique ne constitue pas un progrès de notre humanité. Je ne parle pas seulement, là, de l’usage compulsif que beaucoup font de cet objet, mais du caractère indispensable qui s’impose à nous, malgré nous.
D’auxiliaire, il est devenu une prolongation de son utilisateur : un appendice de «l’homme augmenté» – c’est-à-dire augmenté technologiquement, mais diminué humainement.
Le smartphone s’impose comme une «béquille» d’un nombre croissant de facultés cognitives de l’être humain (je n’ai même pas parlé de l’orthographe, de la mémoire, de la capacité de concentration).
Comment les smartphones sont devenus «indispensables»
Lorsque les portables sont apparus, ils servaient à passer des coups de fil et s’écrire des messages, point barre.
Puis, toutes sortes de fonctions et d’applications sont apparues, transformant ces appareils en smartphone (ce qui signifie «téléphone intelligent»), autrement dit en une sorte de couteau suisse électronique, doté d’un nombre croissant d’outils plus ou moins utiles, avec un fort pouvoir de fascination.
Pour un jeune, aujourd’hui, être privé de smartphone équivaut à une mort sociale: il est coupé des réseaux qu’utilisent tous ses amis réels et virtuels, mais aussi des sites de rencontre, de jeux en ligne, de musique, etc.
Pour l’ensemble de la population, cela va cependant encore plus loin. Avec la complicité des banques, du pouvoir, de l’État.
Un outil au service des autorités
Le smartphone a franchi un cap symbolique capital lorsque la plupart des États du monde ont décidé, au moment du covid, d’instaurer un pass sanitaire et/ou vaccinal pour accéder à des biens et des services : prendre le train, entrer au restaurant, aller au cinéma, etc.
Vous pouviez vous promener avec une version papier de ce pass, mais l’écrasante majorité des gens l’affichaient sur leur smartphone, sur une app dédiée, générée par l’État. Et là, gare à vous si l’aviez oublié !
Le smartphone s’est affirmé comme la clé de voûte d’un système de contrôle global. La technologie est fin prête pour faire du smartphone un laissez-passer universel.
Une obligation qui ne dit pas son nom
De facultatif, il est devenu obligatoire. Aujourd’hui la plupart des banques exigent un numéro de portable pour vous identifier en ligne, via l’envoi de codes de confirmation. C’est la même chose pour certaines assurances, différents services, privés ou publics.
Le smartphone s’apprête à devenir le «portefeuille numérique individuel» de chaque citoyen de l’UE, pour la présidente de la commission, Mme von der Leyen dans le cadre de l’identité numérique européenne qui doit peu à peu se déployer d’ici l’an prochain[2].
Autrement dit: une part croissante de nos actions, de nos opérations sociales, y compris de nos devoirs citoyens, est conditionnée par la possession d’un appareil fabriqué par des industries privées et vendu par des entreprises privées.
Pourtant, il n’est écrit nulle part dans la loi, et encore moins dans la constitution, française ou européenne, que disposer d’un smartphone est obligatoire pour accéder à certains services.
Plus le choix
Malgré cela, aujourd’hui, vous n’avez plus le choix : posséder un smartphone est déjà de fait quasi-obligatoire.
Il y a là la même hypocrisie que celle du gouvernement qui déclarait ne pas rendre les injections anti-Covid obligatoires… et dans le même temps subordonner notre existence sociale à ces injections.
La diligence avec laquelle nous rachetons un smartphone lorsque nous le perdons ou le cassons est l’un des principaux moteurs de cette déconnexion impossible. Nous devons être joignable, pistable, partout, tout le temps.
Peut-on encore vivre sans smartphone ?
Je lis çà et là que le smartphone est un «doudou» pour les adultes du 21e siècle: on l’a sans cesse dans la poche ou pas loin, beaucoup d’entre nous dorment avec.
Mais cela va infiniment plus loin: c’est aujourd’hui le cordon qui vous relie aux autres (si vous n’êtes plus joignable par smartphone, vous n’existez plus), c’est votre porte-monnaie (applis de paiement), votre outil d’identification (auprès des banques, de services publics, etc.).
J’ai une amie à Paris qui, à 35 ans, n’a jamais eu de téléphone portable. C’est une jeune femme de son temps: elle va énormément au cinéma, a une vie amoureuse et sociale bien remplie. Elle a un compte facebook qu’elle utilise beaucoup, communique par skype et zoom – mais sur son ordinateur.
Le prix de son refus de se laisser aliéner par cet objet devient cependant de plus en plus insoutenable. A tel point que son employeur actuel lui a, sans possibilité de refuser, remis un smartphone, qu’elle doit garder allumé durant ses heures de travail. Elle doit être joignable à la demande.
Comment faire un usage sain et mesuré de son portable ?
Je ne diabolise pas les smartphones : ce sont, je le répète, des outils vraiment fantastiques.
Je suis cependant convaincu que, pour notre équilibre psychique mais également social, il est plus que jamais nécessaire d’apprendre – notamment aux plus jeunes, qui sont nés avec ces appareils – à en faire un usage plus sain.
Les «détox digitales» faisaient fureur, à un moment. A moins que vous ne soyez vraiment intoxiqué à l’usage de votre smartphone, je ne crois pas beaucoup à ce type de sevrage brutal, en principe synonyme de rechute.
Il est en revanche facile de trouver, peu à peu, une juste mesure dans l’usage de ces appareils. Il m’arrive même de le laisser sciemment déchargé un jour ou deux. Et là, je ne ressens ni panique ni angoisse mais, à dire vrai, une sorte de soulagement.
Mais, surtout, je m’organise des moments sans smartphone, en général le week-end lorsque je suis en famille. Je vous assure que c’est réellement reposant. C’est une «charge mentale» importante qui s’éteint.
Si vous souhaitez vous aussi «décrocher» plus souvent, voici quelques conseils:
- Réduisez au minimum les notifications (les seuls moments où mon téléphone bippe, c’est quand mes proches m’écrivent) ;
- Mettez dès que possible l’appareil en mode silencieux, et rangez-le hors de votre vue, idéalement dans une boîte, dans une autre pièce ;
- Laissez-le volontairement à la maison lorsque vous n’en avez pas besoin (ce qui vous invitera à regarder honnêtement de quelle nature est ce «besoin») ;
- Éteignez-le le plus tôt possible en soirée – ne serait-ce que pour la lumière bleue, qui perturbe le cycle de la mélatonine, et donc le sommeil.
C’est une première étape. Voici ce que vous pouvez encore faire pour le rendre moins «indispensable» :
Listez tout ce que vous faites avec votre smartphone, et ce que vous pourriez faire sans.
Lorsque les premiers iPhones sont sortis, je me rappelle la blague consistant à demander s’il faisait aussi grille-pain, tant ses fonctionnalités étaient incroyables.
Mais est-il réellement normal que toutes nos activités – se déplacer, communiquer, lire, écrire, écouter de la musique, jouer, photographier… – se réduisent aux quelques cm2 d’un écran?
Une seconde étape pour réduire votre dépendance consiste d’abord à lister tout ce que vous faites avec cet appareil, puis à considérer tout ce que vous pourriez faire sans lui.
Vous aimez écrire de longs messages à votre partenaire? Essayez de passer un moment à lui écrire un mail, ou mieux encore une lettre: vous verrez, vous ne lui raconterez pas les mêmes choses.
Pourquoi ne pas ressortir votre vieil appareil photo, ou en acquérir un nouveau?. Vous vous apercevrez bientôt que vous prenez différemment vos photos.
Vous lisez la presse sur votre smartphone? Pourquoi ne pas aller à la bibliothèque, où vous pouvez lire librement les journaux de votre choix ? Etc.
Tout cela n’est pas à rebours du progrès : il s’agit de vous reconcentrer sur une activité que vous aimez, d’envisager autrement une habitude, de renouer autrement les liens avec ceux que vous aimez… sans être limité ni conditionné par un seul et unique objet.
Portez-vous bien,
Rodolphe Bacquet
- Article original
- France Soir : Le Conseil de l’Ordre des avocats de Paris met en garde contre un projet de loi qui prévoit « l’activation à distance d’un appareil électronique ». Un suspect pourrait être géolocalisé, enregistré et photographié en temps réel par son propre téléphone.