
Guerre en Ukraine : des civils français pourraient-ils être mobilisés en cas de conflit direct ?
Publié par CNews le 11 mars 2025
Après avoir qualifié la Russie de «menace existentielle» pour la France, Emmanuel Macron a ravivé les tensions avec Vladimir Poutine, faisant renaître la crainte d’un conflit direct entre les deux pays. Le cas échéant, voici comment s’articulerait une mobilisation militaire générale.
Les Français seront-ils mobilisés pour la guerre ? C’est l’une des théories qui a circulé sur les réseaux sociaux après l’annonce du réarmement massif de la France par Emmanuel Macron en réponse aux agissements de Vladimir Poutine et au revirement de Donald Trump sur la protection américaine de l’Ukraine. Malgré une mobilisation d’ampleur qui impliquerait toutes les strates de l’armée conventionnelle française, voire même la dissuasion nucléaire, il est très improbable que des civils soient appelés à rejoindre le front, même si la possibilité existe dans la loi.
Avec une certaine gravité solennelle, et alors que des solutions pour imposer un cessez-le-feu en Ukraine sont négociées en ce moment même par les puissances mondiales, Emmanuel Macron s’est adressé aux Français pour évoquer la «menace existentielle russe» et pour leur annoncer des mesures exceptionnelles : le passage à une «économie de guerre» avec un budget de la Défense relevé à 3,5% du PIB, et l’ouverture du débat stratégique du déploiement du parapluie nucléaire français aux alliés européens, en lieu et place des États-Unis.
Des annonces mal reçues par le Kremlin, à commencer par Vladimir Poutine qui a lui-même pris la parole pour critiquer les «élans guerriers» d’Emmanuel Macron, n’hésitant pas à user de la comparaison avec Napoléon Bonaparte, qui avait perdu son empire dans le froid des plaines de Russie au début du XIXe siècle. Si l’Europe et la France ont réellement l’intention d’assurer la défense de l’Ukraine pour instaurer une «paix durable» et des «garanties de sécurité», l’exécutif n’a pas tardé à faire dégonfler la polémique, rappelant qu’il ne souhaitait pas s’impliquer dans un conflit direct avec la Russie.
Néanmoins, les visées impérialistes de Vladimir Poutine, qui, défait de la menace américaine, pourrait entrevoir l’idée de prolonger son rêve d’expansion, ont sérieusement de quoi inquiéter certains pays, à l’instar des États baltes, de la Roumanie ou encore de la Moldavie, comme en témoignent les nombreuses déclarations de leurs dirigeants. Une menace prise au sérieux au sein de l’UE, puisque si dans un sentiment de toute puissance et d’impunité, Vladimir Poutine décidait d’entrer en conflit avec un pays signataire de l’OTAN, cela impliquerait une réponse militaire des alliés, et donc de la France.
200.000 soldats et 40.000 réservistes
Dans cette optique, on peut se demander comment fonctionnerait la mobilisation militaire, ou encore qui serait susceptible d’être envoyé au front et dans quelles conditions. Depuis 1997 et la fin du service militaire obligatoire, l’armée française est une armée de métier. Ce sont donc les quelque 200.000 militaires qui seraient d’abord déployés sur le front, regroupant les forces terrestres, aériennes et navales françaises. À ce titre, les premiers concernés seraient les 1.200 militaires déjà présents «sur le flanc oriental de l’Europe» dans le cadre de la participation française à l’OTAN.
Selon le ministère de la Défense, plus de 30.000 soldats sont actuellement déployés en opération autour du globe. Une partie de ces effectifs pourrait donc être redirigée vers un potentiel nouveau front. En cas d’implication majeure, la France pourrait déployer l’ensemble de sa puissance, avec 110.000 militaires de l’armée de Terre, 40.000 soldats de l’armée de l’air, et près de 40.000 marins. S’il est peu probable que la France envoie des blindés sur le front, elle pourrait en revanche s’appuyer sur sa puissance aérienne – notamment ses 2.380 drones -, mais aussi sur plus de 140 bâtiments sur les mers.
En cas de besoin, ce contingent peut être renforcé par un appel aux 40.000 réservistes français, lequel est encadré par l’article L2171 du Code de la défense. Ce dernier stipule que «le recours peut être décidé par décret en Conseil des ministres» et précise que la procédure est réservée aux «cas de menace actuelle ou prévisible, pesant sur les activités essentielles à la vie de la Nation, sur la protection de la population, sur l’intégrité du territoire ou sur la permanence des institutions de la République». Cette mesure d’exception implique en principe une durée de mobilisation qui «ne peut excéder trente jours consécutifs».
Mobilisation des civils
Reste enfin la question de la mobilisation civile. Si le cas de figure ne s’est plus présenté depuis 1939 et le début de la Seconde Guerre mondiale, la possibilité d’une conscription reste prévue dans la loi française. L’article 2141 du Code de la défense définit ainsi le cadre d’une potentielle «mobilisation générale», qui doit être motivée par des motifs de sécurité nationale. Ce texte établit notamment que «lorsque la mobilisation est ordonnée, quiconque est soumis à des obligations militaires obéit (…) sous peine d’insoumission, quels que soient sa situation et le lieu où il se trouve». Les conditions de réquisition sont ensuite définies par le Premier ministre, avec l’appui des articles 2211 et suivants.
L’article 2212-15 prévoit ainsi que les civils peuvent être «réquisitionnés en fonction de leurs aptitudes physiques et psychiques et de leurs compétences professionnelles ou techniques», tandis que l’article 2212-16 précise que peuvent être soumis à une mesure de réquisition «toute personne physique présente sur le territoire national», mais aussi «toute personne physique de nationalité française ne résidant pas sur le territoire national». Il s’agit cependant d’un cadre relativement vague qui ne précise pas la nature de la réquisition ni l’implication d’éventuels conscrits sur le plan militaire.
Si les observateurs estiment qu’une telle mesure pourrait concerner en priorité les hommes entre 18 et 45 ans, le manque d’expérience de combat lié à la fin du service militaire obligatoire, ainsi que le manque de capacités logistiques pour un regroupement puis un déploiement massif rendent cette possibilité particulièrement improbable.
Il convient également de rappeler que la France dispose d’une puissance de dissuasion nucléaire, notamment grâce à ses sous-marins, ainsi que des capacités pour mener une guerre économique, qui rendent caduque la possibilité de recourir à une guerre conventionnelle, comme ce fut le cas au siècle dernier.

