
Monétisation la 5ème semaine de congés payés : « Cette possibilité pourrait devenir une contrainte »
Publié par BFMTV le 17 juillet 2025
Ce mardi 15 juillet [2025], dans le cadre de la présentation des grandes orientations budgétaires 2026, la ministre du Travail et de l’Emploi d’Astrid Panosyan-Bouvet a proposé de monétiser la 5ème semaine de congés payés.
Moins de congés, plus de paie ? Dans son discours succédant à celui de François Bayrou, qui a présenté le plan du gouvernement pour dégager 44 milliards pour le Buget 2026, la ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet a appelé à travailler plus.
Car plus de quantité de travail veut aussi dire plus de cotisations et de prélévements pour l’État et donc des recettes fiscales qui augmentent. Pour y arriver, Astrid Panosyan-Bouvet propose aux partenaires sociaux de négocier. Elle évoque « un objectif d’incitation à augmenter le temps de travail, dans un contexte où déjà quatre salariés sur 10 font des heures supplémentaires avec par exemple la possibilité de monétiser la 5ème semaine de congés payés ».
L’idée de cette proposition permettrait donc, dans le cadre d’un accord d’entreprise, à un salarié de renoncer volontairement à sa cinquième semaine de congés contre une rémunération correspondante. Aujourd’hui, il est déjà possible de « racheter » ses jours de RTT, mais pas ses congés payés.
Mais alors les travailleurs sont-ils prêts à renoncer à une semaine de vacances pour une semaine de salaire? Certains sont catégoriques, comme Sibylle, salariée : « Non, je ne le ferai pas, parce que j’y tiens à ces 5 semaines. Je préfère partir en vacances qu’avoir cet argent », explique-t-elle à BFMTV.
« Si on prend deux/trois semaines l’été, ça nous laisse pas beaucoup de congés après pour Noël », renchérit Julie.
D’autres, comme Corentin, ne serait pas contre car il ne pose pas beaucoup de congés, au risque de les perdre: « Cette année, il y aurait eu quatre/cinq jours de congés que j’aurais préféré me faire payer au lieu de les poser. En tout cas, j’y aurais réfléchis si j’avais eu le choix. »
Vers un travailler plus pour gagner plus (et consommer plus?)
Côté patron, on voit plutôt l’intérêt: « C’est toujours bon à prendre, au lieu de fermer complètement la boîte, on pourrait avoir des semaines à bosser ou qu’il y ait moins de semaines de fermeture », témoigne Maxime, gérant d’une petite entreprise, auprès de BFMTV.
« Cette proposition redonne du pouvoir d’achat, elle va faire consommer, donner de l’activité pour certains secteurs de loisirs », explique Caroline Diard, professeure en management et professionnelle des ressources humaines et du droit du travail. « Mais paradoxalement elle réduira aussi le temps de consommation. »
« Avec cette proposition, on oppose le temps avec l’argent », remarque la spécialiste.
Et pas sûr que toutes les entreprises puisse la mettre en place. « Certains ne vont pas forcément être dans la possibilité de l’organiser parce que ce sont des petites structures. La notion de taille et de niveau va jouer », remarque-t-elle.
La 5ème semaine de congés payés a été instaurée il y a déjà plus de 40 ans par Pierre Mauroy, dans le gouvernement de François Mitterrand de 1982. Et les syndicats craignent sa remise en cause.
« Musée des horreurs » des idées du gouvernement
Pour Denis Gravoul, secrétaire confédéral de la CGT, « les congés servent aussi à se reposer, à reconstituer sa force de travail, à permettre de souffler, ce sont toutes ces valeurs-là qui ne sont pas que des valeurs financières ».
La leader de la CFDT, Marylise Léon estime quant à elle que cette possibilité fait partie « du musée des horreurs » des idées du gouvernement.
« Aujourd’hui, le sujet numéro un, c’est la question effectivement du pouvoir d’achat, mais ce n’est pas aux salariés eux-mêmes de se payer un peu plus de marge de manoeuvre pour boucler les fins de mois en rognant sur leurs congés », a-t-elle ajouté.
Les niveaux de vies influenceront aussi le choix de troquer ses vacances contre du travail rémunéré. « Quand vous êtes au Smic et que vous avez du mal à payer votre loyer, le choix de monétiser se fera, tandis que quelqu’un plus confortablement installé préfèrera avoir du temps », explique Caroline Diard.
« Cette possibilité pourrait devenir une contrainte »
Apparaît aussi la notion d’inégalités dans cette proposition puisque selon la professionelle: « S’il n’y a pas de dialogue avec des partenaires sociaux, cette possibilité pourrait devenir une contrainte. On peut imaginer qu’il y ait des rapports de forces qui soient pénalisants . »
La ministre du Travail tient toutefois à rassurer: La proposition de « monétiser la cinquième semaine de congés payés » est « un droit nouveau », qui « resterait à la main de chaque salarié », assure-t-elle.
Ce n’est « absolument pas une mesure ou une décision unilatérale du gouvernement, dont les paramètres sont fixés à l’avance », a-t-elle insisté, ajoutant qu’elle sera soumise aux partenaires sociaux.
Parmi les 27 pays européens, 14 ne disposent que de 4 semaines de congés.

