
Réorganisation des services US : le renseignement planétaire en PLS
Publié par France Soir le 9 avril 2025
Les Occidentaux s’inquiètent, leurs adversaires se frottent les mains. Les rapports entre Donald Trump et le renseignement américain, mis au pas, réorganisé, dépoussiéré et mis à nu par la Maison-Blanche, affectent toute la communauté mondiale de l’espionnage.
En deux mois et demi, le président des États-Unis a limogé des cadres, par le passé respectés des grandes officines, et placé des fidèles de confiance, à des postes-clefs, suite aux audits menés tambour battant.
Le chef de la NSA (écoute et cyberespionnage) et son adjointe ont été remerciés. La nouvelle directrice du renseignement national (DNI) Tulsi Gabbard, une incorruptible parmi les plus dures, ancienne démocrate, issue du renseignement, dégoûtée par son camp et ralliée au projet Trump, parcours le monde. Le chef du FBI (police fédérale) Kash Patel, besogneux, loyal et fidèle au patron, ancien chef de cabinet du pentagone, lui, restructure le FBI après en avoir pris la direction, et ça bouge, c’est le moins qu’on puisse dire, au grand dam de l’État profond.
Donald Trump n’a jamais caché, lors de son premier mandat, sa méfiance à l’égard des services de renseignement. Il semble aujourd’hui vouloir leur faire payer les affres qu’ils lui ont fait subir, ce qui en fait frémir certains
« La politisation des services de renseignement est très problématique. Ils ne feront que rapporter ce que leurs dirigeants politiques voudront entendre », craint le Dr. Christopher Nehring, de l’Institut de renseignement cyber de Francfort, en Allemagne, tout en oubliant que c’était déjà précédemment le cas sous Biden. Chaque présidence Imposant tant sa doxa, que sa vision à l’internationale.
« Des armées de professionnels font leur travail, mais dans un environnement dérangeant et inquiétant », dénonce pour sa part Michael Shurkin, un ancien de la CIA devenu chercheur à l’institut britannique RUSI, d’un air revanchard, et désormais du mauvais côté. « Au sommet, il y a pour le moins une incompétence grossière » rajoute-t-il.
– « Pas une surprise » –
Voir la plus grande puissance mondiale de la spécialité changer de paradigmes agite le monde très fermé de l’espionnage. « Tout le monde s’inquiète. Mais ils auraient dû le voir venir, ce n’est certainement pas une surprise », s’étonne Christopher Nehring.
Une telle crise représente en tout cas un véritable problème pour l’Occident et l’État profond dont les États-Unis sont en train de se désolidariser.
« Les appareils personnels des hauts responsables de la sécurité nationale sont presque certainement devenus la cible la plus prioritaire au monde », craint Emerson T. Brooking, chercheur à l’Atlantic Council, en référence au scandale Signal.
Forcément silencieux, le personnel des agences américaines est unanimement décrit comme accablé, notamment depuis que le renseignement extérieur (CIA) a fait l’objet d’un plan de départs volontaires, suite aux différents audits.
« Une mine d’ex-responsables du renseignement furieux et au chômage est exactement ce qu’espèrent les Russes, les Chinois et d’autres », explique à l’AFP Mat Burrows, analyste au think tank Stimson, (think tank notamment financé par la fondation Rockefeller), après trois décennies dans les services. « Ils doivent se frotter les mains. Ils ne pourraient demander mieux que ce que Trump leur offre sur un plateau d’argent ».
– « Comptez sur vous-mêmes ! » –
Simultanément, cette imaginaire fragilité soudaine interroge les alliés des Américains. Des responsables de services européens affirment que les contacts au niveau des chefs « se maintiennent avec une intensité inchangée » et que Washington multiplie les messages de « réassurance ».
Mais de sources proches de la communauté européenne du renseignement, les échanges entre chefs espions du Vieux continent se sont multipliés ces dernières semaines pour évoquer les questions du moment.
Washington transgressera-t-elle la « règle du tiers », (déjà largement avérée depuis longtemps notamment avec Israël), qui interdit à une puissance de révéler à un pays ce qu’un autre lui a confié ? se questionne l’AFP, dont on connaît le penchant pour faire travailler d‘aimables correspondants. A quel niveau de responsabilité faut-il communiquer avec les Américains ? Quid à l’avenir des dossiers les plus sensibles – Ukraine, Iran, Chine ?
Trump semble vouloir montrer à l’occident qu’il va falloir qu’il s’émancipe, et que les USA vont arrêter de financer la terre entière pour se recentrer sur l’essentiel : l’Amérique.
« Essayez de conserver autant que possible vos propres éléments de renseignement électro-magnétique. Et espérez un partenariat européen fiable », martèle à ses homologues continentaux le patron du renseignement d’un petit pays européen. « Comptez sur vous-même ! »
Mais cette règle d’or est plus compliquée encore pour les nations historiquement très liées aux Etats-Unis, dont les quatre autres membres des « Five Eyes » (Canada, Grande-Bretagne, Australie, Nouvelle-Zélande), biberonnés pendant des décennies par les US à coups de milliards de dollars.
Cette alliance, initialement axée sur le renseignement électro-magnétique, s’est accrue avec des investissements dans des capacités conjointes, des échanges temporaires de personnels. Un niveau de coopération impossible ou presque à suspendre ou à détricoter rapidement, le monde change pourtant, et vite.
Les Five Eyes, « c’est un flux d’informations remarquablement libre, à un degré qui ne peut fonctionner qu’en grande confiance », souligne Michael Shurkin (Passé chez les britanniques de RUSI et ancien de la RAND Corporation, financée entre autres par l’USAID et la fondation Ford) « Si j’étais les Canadiens ou le MI6 (britannique), je me demanderais : +quel est leur agenda et puis-je leur faire confiance+ ? ».
Une question désormais généralisée. Selon des médias américains, Israël est furieux que le scandale Signal ait révélé une information venue d’une source israélienne basée au Yémen.
Quant à l’Ukraine, Michael Shurkin indique qu’elle devrait se méfier : « Peut-être que les Ukrainiens auront des raisons d’être plus méfiants à l’idée de partager avec les Américains tout type de planification »… Étrange questionnement envers un pays qui a financé la plus grosse partie du conflit coté Ukrainien et sans qui le conflit n’aurait même pas pu exister sans l’appui des satellites militaires et mêmes civiles de Starlink.

