
Discours « trumpistes » et liberté d’expression : comment expliquer le revirement conservateur de Mark Zuckerberg – Par BFM TV
Publié par BFM TV le 13 janvier 2025
Après Elon Musk, c’est Mark Zuckerberg, le patron de Meta, qui s’aligne sur la politique du futur président des États-Unis, Donald Trump. Un changement de stratégie opportuniste qui a commencé dès l’été 2024.
Il n’y a pas que le style vestimentaire qui a changé. Mark Zuckerberg, le patron de Meta (Facebook, Instagram, Whatsapp) renonce un peu plus à ses traditionnelles positions progressistes pour se rapprocher de Donald Trump.
Dans un entretien avec le podcasteur Joe Rogan, soutien affiché du président élu, le 10 janvier dernier [2025], Mark Zuckerberg a loué « l’énergie masculine » dont « la société est remplie » en appelant à injecter plus de cette énergie dans le monde professionnel.
« Il y a quelque chose de bon dans la masculinité »
« Je pense qu’une grande partie de notre société est devenue (…) castrée en quelque sorte ou émasculée », lance-t-il. « Il y a quelque chose de bon dans la masculinité et une culture qui valorise l’agressivité a du mérite », a-t-il insisté, regrettant que « la culture d’entreprise essaie de s’éloigner » de cette « énergie masculine ».
Une conclusion qui lui serait venue à force de pratiquer le MMA avec d’autres hommes, qui voient « le vrai Mark » en compétition, et non pas seulement le dirigeant policé et formé à parler aux médias.
Loin de s’arrêter en si bon chemin, Mark Zuckerberg a profité de l’interview pour à nouveau accuser le gouvernement Biden de « censure », tout en regrettant d’avoir « accordé trop de crédit aux médias » par le passé. Un discours qui rappelle étrangement celui d’Elon Musk ou de Donald Trump.
En parallèle, selon le New York Times, Meta a abandonné tous ses objectifs de diversité dans le recrutement, au détriment des femmes et des minorités ethniques. L’entreprise a également supprimé les distributeurs de tampons périodiques dans les toilettes des hommes à l’attention des personnes transgenres.
Une longue tentative de séduction
Ces prises de positions ont de quoi surprendre. En effet, les relations entre Zuckerberg et Trump ont longtemps été tendues. Elles se sont d’ailleurs envenimées lorsque Mark Zuckerberg, à l’époque connu comme l’un des symboles de la Silicon Valley, progressiste, a banni Donald Trump de Facebook après l’assaut de Capitole. De son côté, le politique l’avait menacé de prison à vie. Mais Mark Zuckerberg n’est pas dupe: il voit bien que le Républicain monte dans les sondages lors de la campagne pour l’élection présidentielle américaine.
Alors comme pour mieux anticiper la potentielle victoire de Donald Trump, Mark Zuckerberg commence, dès le mois de juillet, à multiplier les appels de pieds pour séduire le futur président des États-Unis.
Tout débute avec quelques discrets messages partagés sur X, ex-Twitter. Ainsi, il n’a pas hésité à partager son émotion après la tentative d’assassinat contre Donald Trump, qualifiant sur X son attitude de « badass« , ni à critiquer publiquement le rôle de l’administration Biden lors de la crise du Covid, qu’il accusait d’avoir fait pression sur Facebook pour supprimer certains contenus. Quelque mois plus tard, en novembre, il félicitait le Républicain pour sa victoire, indiquant avoir « hâte de travailler avec [lui]. »
Puis, il prend des actions concrètes. Au cours de l’été, il embauche ainsi Dustin Carmack, un ancien conseiller de Ron DeSantis, le gouverneur de Floride, à l’œuvre sur la rédaction du Project 2025, un ensemble de propositions conservatrices, souvent présenté comme partie intégrante du projet politique de Donald Trump.
Autant d’initiatives qui ont porté leurs fruits: en novembre, il obtient alors une invitation dans la résidence de Trump à Mar-a-Lago, en Floride. A cette occasion, le patron de la tech aurait « clairement indiqué qu’il voulait soutenir le renouveau national de l’Amérique sous la direction du président Trump ». Depuis, les choses se sont accélérées. En décembre, Meta a fait don d’un million de dollars au fond qui finance l’investiture de Donald Trump.
Près d’un mois plus tard, Joel Kaplan, proche de Donald Trump, a été nommé responsable des Affaires internationales, pour remplacer Nick Clegg, au sein de l’entreprise. Dana White, président de l’UFC et autre soutien de Donald Trump, siège de son côté au sein du conseil d’administration de Meta.
Fact-checking et distributeurs de tampons
Un rapprochement et un changement d’idéologie qui ont trouvé leur point d’orgue ce 7 janvier dernier. Dans une vidéo, Mark Zuckerberg annonce un recul majeur de sa politique de modération des contenus. Sur Facebook et Instagram, les messages de haine sur l’origine ou l’orientation sexuelle ne seront plus censurés. Il est par exemple possible de comparer l’homosexualité avec une maladie mentale en toute impunité.
Autre annonce majeure: le programme de fact-checking de Meta aux États-Unis va être abandonné. Selon Mark Zuckerberg, ce système « trop politisé » nuirait à la liberté d’expression sur ses réseaux sociaux. Il sera remplacé par un système de notes de la communauté similaire à celui de X. Une décision prise, contrairement à l’habitude, sans l’avis de ses employés. Et en à peine six semaines.
« Après l’élection de Trump en 2016, les médias traditionnels ont écrit sans relâche que la désinformation était une menace pour la démocratie. Nous avons essayé de bonne foi de répondre à ces préoccupations sans devenir les arbitres de la vérité. Mais les vérificateurs de faits ont tout simplement fait preuve de trop de partialité politique et ont détruit plus de confiance qu’ils n’en ont créée, en particulier aux États-Unis », argumente Mark Zuckerberg, qui souhaite « restaurer la liberté d’expression » sur ses réseaux sociaux. Un thème souvent brandi par Elon Musk depuis son rachat de Twitter… et très cher à Donald Trump.
Un changement opportuniste ?
Des changements qui, selon plusieurs employés interrogés par Meta, répondent à un double objectif. Un premier très opportuniste, qui permet au patron de positionner Meta dans le paysage politique du moment, avec la montée en puissance des conservateurs à Washington. « Le gouvernement américain devrait protéger les entreprises tech et les précédents gouvernements ont, au lieu de ça, commencé les attaques et ouvert la voie aux procédures partout dans le monde », enjoint ainsi Mark Zuckerberg au micro de Joe Rogan.
L’autre objectif est plus personnel, puisque le changement de politique au sein de Meta reflèterait en réalité les opinions personnelles de Mark Zuckerberg… qu’il semble ne plus vouloir garder secrète. Car en privé, le patron partage régulièrement à ses proches ses inquiétudes quant au fait que les progressistes contrôlent les discours, raconte le New York Times. Il se serait senti lésé par ce qu’il considère comme la posture anti-technologie de l’administration Biden.
De son côté, Mark Zuckerberg nie avoir effectué ces changements radicaux pour apaiser la future administration Trump, bien que l’élection ait influencé sa réflexion.
« L’avantage de le faire après l’élection, c’est qu’on peut prendre le pouls culturel », analyse-t-il. « Nous sommes arrivés à ce point où il y avait ces choses que vous ne pouviez pas dire et qui étaient simplement le discours dominant. »
« J’ai l’impression d’avoir une bien meilleure maîtrise de ce que je pense être la politique à suivre et de savoir comment cela va se passer à l’avenir », a-t-il ajouté dans le podcast de Joe Rogan.
Mais Mark Zuckerberg est loin d’être le seul à avoir opéré un changement pro-Trump. Le CEO de Facebook illustre la volonté de certains grands patrons de la tech de se mettre au diapason du tandem conservateur formé par Elon Musk et Donald Trump. Jeff Bezos (Amazon), Tim Cook (Apple) ou encore Sam Altman (Open AI) se sont également rangés du côté du Républicain.

