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Soignants non vaccinés suspendus : les députés refusent leur réintégration dans les hôpitaux, après un débat houleux en commission

Source : Le quotidien du médecin, publié le 16 novembre 2022

Faut-il oui ou non réintégrer maintenant les soignants non vaccinés suspendus, alors que les bras manquent à l’hôpital ? La question a soulevé un très vif débat au sein de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, ce mercredi après midi, lors de l’examen d’une proposition de loi en ce sens portée par Caroline Fiat (Meurthe-et-Moselle, LFI/Nupes). Une initiative finalement repoussée. 

Ce texte de trois articles texte proposait la réintégration du personnel suspendu des établissements de santé dans le cadre d’un protocole sanitaire « strict ». Ainsi ces soignants non-vaccinés ne pourraient retourner à leur travail que sur présentation d’un test de dépistage du Covid‑19 négatif en cours de validité ainsi qu’un port des équipements de protection individuelle (masque FFP2 systématique). Et pour éviter la charge financière qui pèserait sur les soignants réintégrés, le groupe LFI souhaitait que le coût soit pris en charge par l’État, via une augmentation de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI).

Lits fermés, blocs au ralenti

Lors de la défense de son texte, l’élue de Meurthe-et-Moselle a pris soin de déminer le terrain et de rappeler le contexte. « La proposition de loi ne revient pas sur l’obligation vaccinale mais prend acte que la question de la réintégration (des soignants suspendus) doit se poser inévitablement », a-t-elle plaidé. Pour la parlementaire, cette proposition n’est certes pas une « solution miracle » mais « acceptable » pour permettre aux hôpitaux de faire face à une pénurie de personnel.

De fait, « en septembre dernier, l’AP-HP a fait état de 18 % de lits fermés par manque de 1 000 infirmiers, et d’un taux de fermeture des blocs opératoires de 40 % sur certains sites (…) La situation est dramatique en outre-mer. La moindre personne manquante peut désorganiser une équipe, entraîner la fermeture de lits et augmenter encore la charge de travail des personnels en place », a soutenu Caroline Fiat. Dans ce contexte, « les milliers de personnes suspendues suite à la loi du 5 août 2021 sont pénalisantes », justifie-t-elle.

Selon la FHF, seuls 4 000 professionnels suspendus – dont environ 500 infirmiers – seraient concernés sur un total de 1,2 million d’agents. Début juillet, le ministre de la Santé mentionnait un chiffre de 12 000 personnes intégrant les agents administratifs.

Protéger les soignants eux-mêmes

Mais sans surprise, ces arguments de réintégration n’ont pas du tout convaincu les députés de la majorité qui ont âprement défendu le principe de l’obligation vaccinale pour les soignants.

Au nom du groupe Renaissance, le député Éric Alauzet a déploré un texte proposé à la fois « contre l’avis de la Haute Autorité de santé rendu en juillet, de la FHF, de l’Académie de médecine, des patients et des soignants eux-mêmes ! » Jugée complexe et risquée à appliquer, cette réintégration ne serait pas « éthique », aux yeux de ce médecin acupuncteur, car elle « dédouane » le personnel qui refuse de donner la priorité à la sécurité des patients et de leurs collègues.

Députée Renaissance du Nord, Charlotte Parmentier-Lecocq a enfoncé le même clou. Elle juge que l’adoption d’un tel texte serait un « mauvais signal » sur la vaccination. « Tout cela continue de nourrir le sentiment de méfiance vis-à-vis des vaccins, plaide-t-elle. Il faut rejeter ce texte qui met en cause non seulement l’obligation vaccinale mais aussi l’intérêt du vaccin. » Un argument soutenu aussi par Thomas Mesnier, député de Charente (Horizons), qui a dénoncé une proposition de loi allant « à l’encontre des données scientifiques actuelles ».

À l’origine des amendements de suppression des deux articles du texte, le Pr Philippe Juvin (LR, Hauts de Seine) a affirmé que le texte était même « dangereux ». « Qu’est-ce qu’on va faire s’il y a une nouvelle vague ? Comment faire pour persuader les gens de se faire vacciner ? Il y a eu des soignants morts. On a une obligation de les protéger ». 

Ces arguments ont toutefois divisé le camp des Républicains. Yannick Neuder (Isère) a déclaré « qu’il ne faut pas tomber dans la caricature entre ceux qui croient à la science et ceux qui n’y croient pas ». « L’avis de la HAS porte sur l’obligation vaccinale et non sur la réintégration des personnels. C’est une responsabilité politique », a-t-il avancé.

« Malhonnêteté intellectuelle »

La PPL de Caroline Fiat a toutefois reçu de nombreux soutiens de la Nupes. Pour Louis Boyard (LFI, Isère), « il faut avoir conscience qu’il y a des personnes suspendues enfermées dans des conditions insupportables qui attendent de savoir comment on va changer leur vie. Même s’il y a peu de personnes concernées, dans mon hôpital de Villeneuve-Saint-Georges, un soignant réintégré changerait énormément de choses ».

La députée écologiste Sandrine Rousseau a fait valoir que les hôpitaux débordent et que « le devoir d’exemplarité » des soignants pourrait se matérialiser justement par ce protocole sanitaire de réintégration.

Député de Martinique, Jean-Philippe Nilor a dénoncé une forme de « malhonnêteté intellectuelle » qui voudrait faire croire que ce texte vise à lever l’obligation vaccinale. « ll s’agit de répondre au problème de l’offre de soins. Compte tenu de l’absence des soignants chez nous, il y a un péril pour les habitants des territoires d’outre-mer qui sont aussi la France. Il ne faut pas se tromper de débat. ».

La proposition de loi n’a pas été adoptée en commission. Le texte devrait être rediscuté en séance publique. En attendant, François Braun, ministre de la Santé, a saisi une nouvelle fois la HAS sur cette question. Son avis est attendu début janvier 2023.

Source : https://www.lequotidiendumedecin.fr/hopital/exercice/soignants-non-vaccines-suspendus-les-deputes-refusent-leur-reintegration-dans-les-hopitaux-apres-un