La Bourse de Tokyo enregistre la pire chute en points de son histoire
Publié par La Tribune le 5 août 2024
La Bourse de Tokyo décrochait de nouveau ce lundi matin [5 août 2024], dévissant de 12,4% en clôture, à cause notamment d’un mauvais rapport sur l’emploi américain et d’un changement de cap dans la politique monétaire du Japon. Plus largement, les grandes places d’Asie connaissent également un lundi noir.
Après avoir atteint l’un des pires reculs de son histoire vendredi [2 août 2024], la Bourse de Tokyo était de nouveau en chute libre ce lundi matin [5 août 2024]. Dans le détail, l’indice vedette Nikkei 225, qui avait déjà dévissé de 5,8% vendredi, s’est effondré de 12,4% à 31.458,42 points, reculant de quelque 4.400 points sur la séance et battant son précédent record qui remontait au krach boursier d’octobre 1987. L’indice élargi Topix a sombré de 12,23% à 2.227,15 points.
De l’autre côté de la mer du Japon, la Bourse de Séoul (Corée du Sud), perd plus de 8% dans les échanges de l’après-midi. A Taïwan, l’indice Taiex a chuté de 8,43% à 19.813,83 points vers 13h19 (05h19 GMT), le géant des puces TSMC perdant 9,52%, et le KOSPI à Séoul décrochait de 8,09% à 2,459.81 points avec des échanges brièvement suspendus en raison du déclenchement d’un disjoncteur destiné à atténuer la volatilité.
Les Bourses chinoises ont pour leur part ouvert sans direction claire. A Hong Kong, l’indice Hang Seng reculait de 0,04% à 16.939,50 points vers 01H50 GMT (03h50 à Paris). L’indice composite de Shanghai gagnait, lui, 0,30% pour atteindre 2.914 points tandis que celui de Shenzhen grimpait de 0,59% à 1.591.09 points à la même heure.
« Les marchés asiatiques s’apprêtent à vivre une journée difficile, encore sous le choc des bouleversements sismiques survenus vendredi dernier dans le paysage financier mondial », a commenté Stephen Innes de SPI Asset Management.
Le rapport sur l’emploi américain fait dévisser les bourses mondiales
« L’élément déclencheur ? Un rapport sur l’emploi américain qui a tellement manqué sa cible qu’il n’a pas seulement fait se décrocher des mâchoires, mais aussi les actions et les rendements obligataires » à Wall Street, complète Stephen Innes.
Le marché de l’emploi a finalement ralenti plus que prévu le mois dernier, avec un taux de chômage atteignant 4,3 %. Ce taux, le plus élevé depuis octobre 2021, a pris 2 points par rapport à juin et a surpris les analystes qui anticipaient une stabilité à 4,1 %. Sauf que ces données sont particulièrement scrutées par la Fed, la Banque centrale américaine alors que les investisseurs attendent avec impatience une baisse des taux de l’institution américaine. Mercredi dernier [31 juillet 2024], comme attendu, la banque centrale américaine a laissé ses taux inchangés lors de sa réunion de politique monétaire, tout en ouvrant la porte à une baisse des taux dès septembre.
D’autres facteurs ont joué, comme un rapport américain préoccupant sur l’activité manufacturière qui s’est contractée en juillet. « La crainte d’une récession reprend le dessus », commentait la semaine dernière Jochen Stanzl, analyste de CMC Market. Mais aussi une chute des valeurs technologiques face à des doutes sur les perspectives de croissance du secteur et des résultats semestriels en berne ont inquiété les marchés. A Wall Street, Intel s’est effondré vendredi de 26,06 points, l’action tombant 21,48 dollars et plombant le Nasdaq. Amazon, une des plus grosses capitalisations de Wall Street, membre du Nasdaq et du Dow Jones, enfonçait les indices, cédant 8,78% à 167,90 dollars. Les titres de Snap, la maison mère de Snapchat ont, eux, fondu de 26,93%.
Par ailleurs, les craintes d’une escalade des tensions au Moyen-Orient ajoutaient également à la volatilité des marchés, dans la foulée des menaces de l’Iran et de ses alliés contre Israël, accusé par le mouvement islamiste palestinien Hamas et le Hezbollah libanais de la mort mercredi du chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh.
Un changement inédit de politique monétaire
Avant même des chiffres de l’emploi particulièrement inquiétants publiés vendredi aux Etats-Unis, la Bourse de Tokyo avait connu une journée noire, le Nikkei connaissant sa plus vertigineuse chute en points depuis 1987 et la deuxième plus forte de son histoire.
« Cependant le déclencheur immédiat de cette aversion au risque semble être la hausse inattendue des taux d’intérêt » annoncée mercredi par la Banque du Japon, selon Dilin Wu, stratégiste chez Pepperstone. « Cette décision a frappé le marché boursier japonais comme un coup de tonnerre », complète-t-il.
Ce resserrement monétaire après des années de taux négatifs, conjugué à un ralentissement de l’économie américaine, a notamment précipité la remontée du yen, soutenue également par des interventions du gouvernement japonais sur le marché des changes. Ce mouvement de change est néfaste pour les entreprises japonaises exportatrices qui avaient bénéficié de la chute de la devise japonaise.
La Bank of Japan (BoJ) a remonté, mercredi, son principal taux directeur à 0,25% – un niveau plus vu depuis 2008 -, et ouvert la porte à des hausses supplémentaires. Pour rappel, après plus de dix ans d’une politique monétaire ultra-accommodante, la BoJ avait amorcé un processus graduel de normalisation monétaire en remontant son taux d’intérêt entre 0% et 0,1%, signant la fin des taux négatifs en place depuis 2016.
« Nous pensons qu’une grande partie des bénéfices liés aux taux de change pour les exportateurs et les multinationales fortement représentées dans l’indice Nikkei 225 est derrière nous », a souligné Amir Anvarzadeh dans une note de Asymmetric Advisors. En ce qui concerne les prochaines annonces de résultats, « les comparaisons seront probablement plus difficiles à partir du second semestre, car les bénéfices diminuent considérablement » en raison du renforcement du yen, a-t-il ajouté.
Les banques malmenées
Résultat, les banques japonaises étaient particulièrement malmenées, Mitsubishi UFJ Financial Group – plus grande banque japonais – s’affalant de 13,5% lundi, Sumitomo Mitsui Financial Group (SMFG) de 14,6% et Mizuho de 12,8%. De son côté, l’action Nintendo dégringolait de 11,2% après que le géant japonais a vu son bénéfice net chuter au premier trimestre. Le groupe de jeu vidéo a maintenu vendredi des prévisions extrêmement conservatrices, alors que sa prochaine console n’est pas attendue avant plusieurs mois.
D’autre part, le dollar accélérait encore ses pertes, passant même brièvement sous la barre des 145 yens pour la première fois depuis janvier. Il se renforçait légèrement à 145,30 yens vers 01H30 GMT (03h30 à Paris), contre 146,53 yens vendredi à 21H00 GMT (23h00 à Paris). L’euro valait 158,65 yens contre 159,87 yens en fin de semaine dernière et s’échangeait pour 1,0915 dollar, contre 1,0911 dollar vendredi.